L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Amérique, dis-moi que je m'aime, le paradoxe de Cindy Sherman

Avec le premier événement parisien consacré à Cindy Sherman depuis son exposition du Jeu de Paume de 2006, Cindy Sherman à la Fondation Louis Vuitton dévoile une galerie de portraits où elle se met en scène et incarne des personnages recomposés en autant de poses que de questionnements sur l'identité et les images d’aujourd’hui.

Cindy Sherman, Untitled #602, 2019 - Collection Fondation Louis Vuitton, Paris. Courtesy of the Artist and Metro Pictures, New York © 2020 Cindy Sherman

On va y trouver 170 œuvres de l’artiste, allant de 1975 à 2020 ; soit plus de 300 images articulées par séries :  Untitled film stills, Rear Screen Projections, Fashion, History Portraits, Disasters, Headshots, Clowns, Society Portraits, Murals, Flappers.  Une série nouvelle, voir image ci dessus, présente la dernière étape de sa réflexion avec des figures masculines et des couples. Dans une scénographie conçue en étroite collaboration avec l’artiste elle-même, cette présentation/rétrospective sans l’avouer embrasse l’ensemble de sa carrière, en mettant l’accent - et c’est bien là tout son intérêt -, sur les travaux réalisés depuis le début des années 2010, avec un ensemble d’œuvres très récentes et inédites. Rappel : 170 œuvres de l’artiste - de 1975 à 2020 - soit plus de 300 images articulées par séries parmi lesquelles Untitled film stills, Rear Screen Projections, Fashion, History Portraits, Disasters, Headshots, Clowns, Society Portraits, Murals, Flappers.  Une série nouvelle présentant des figures masculines et des couples sera particulièrement à découvrir. Dans une scénographie conçue en étroite collaboration avec Cindy Sherman elle-même, cette présentation embrasse l’ensemble de sa carrière, tout en mettant l’accent sur ses travaux réalisés depuis le début des années 2010 jusqu’à un ensemble d’œuvres très récentes et inédites. Rappel : Cindy Sherman est née en 1954 à Glen Ridge dans le New Jersey. Elle habite et travaille à New York. Considérée comme l’une des artistes les plus influente de sa génération, elle a connu la célébrité dès la fin des années 1970 avec le groupe d’artistes Pictures Generation. 

Cindy Sherman | Untitled #582, 2016 | Courtesy of the artist and Metro Pictures, New York © 2019 Cindy Sherman

Télérama affirme : Voilà presque cinquante ans que la superstar de la mise en scène Cindy Sherman se grime, se déguise et se maquille. Elle s’est photographiée en madone, en grande dame botoxée ou encore en comédienne en déshérence. Avec toujours le même dispositif : elle est l’unique modèle et autrice de son travail. Venue de l’art conceptuel, elle effectue seule tout le processus, du maquillage à la confection du costume, en passant par le choix des accessoires, la mise en scène, la prise de vue et le traitement de l’image. 

Le Monde, de son côté souligne : (l’exposition) montre des identités troubles et multiples, des histoires inventées, une réalité souvent cruelle – comme celle qui rend visible le passage du temps, de ses marques à ses empreintes. Sans oublier le recours au maquillage, au déguisement et aux retouches, qui mène Cindy Sherman à « scénariser » des images souvent monstrueuses et camper des ambiances dérangeantes car étranges. Et ce long questionnement sur l’existence qui, d’une image à l’autre, raconte un long cheminement : le sien en quête d’un portrait non pas idéal mais sans doute d’une personnalité en mosaïque, plurielle et fragmentée.

Untitled

Les clichés exhibent les thèmes qui traversent la carrière de l’artiste, l’identité ou les stéréotypes sociétaux teintés d’un voile cinématographique aux accents 50’s qui a fait sa signature. Mais à faire défiler les évolutions du travail sur la représentation, on va ainsi passer de la jubilation d’avoir trouvé un truc - le jeu sur l’identité fabriquée ( le fameux personae / masque du théâtre antique) à l’atterrissage en 2020 sur les diverses constructions possibles de l’identité et du genre, en ayant joué au passage pendant 50 ans avec les diverses manières de vivre l’image américaine à travers elle-même.

Arrivée à l’époque de la critique Susan Sontag et des œuvres de Michel Journiac, Cindy Sherman va évoluer avec son temps, en jouant d’un ailleurs précédent - celui de l’Amérique de Roosevelt, wasp coincée, avec petites maisons à barrière blanche où surtout, jamais rien apparemment ne se passe. Et c’est dans l’apparemment que malgré tout, la vie se glisse - et Sherman d’y poser trankilou son dispositif qui va évoluer, s’adaptant aux techniques et procédés numériques du XXIe siècle.

Cindy Sherman, Untitled #414, 2003 Épreuve couleur chromogène, 147.3 x 99.7 cm
Courtesy de l'artiste et Metro Pictures, New York

Elle aura au passage, concassé les angoisses des contes horrifiques, la peinture classique, les magazines de mode, la mode, pour mettre à plat la vision que la bourgeoisie américaine a d’elle-même. A bien y regarder, Donald “Duck” Trump ne déparerait pas le moindre de ses clichés, risible dans le fond comme la forme… d’autant qu’elle s’attaque dernièrement aux clowns qu’elle envoie dans des dimensions gigantesques sur le mur de la dernière salle de l’expo.

On l’a surnommée la reine du selfie. On s’est vraiment trompé, puisque le selfie est un cliché passif quand tous les siens sont construits, peaufinés et millimétrés pour une signification unique qui va au-delà de la salade de poulpe qui dénature la tronche du cake qui s’auto-photographie. Et dernière idée choc de son travail, la réflexion qui passe au-delà de la représentation et commence à proposer des clichés à la limite du genre avec des hommes qui exhibent leur part féminine pour sortir de la masculinité toxique qui fait des ravages aux USA. Sherman passe ainsi du fameux larvatus prodeo de Descartes, à j’avance démasquée pour me renouveler et dire enfin l’évolution de l’image de soi propre aux USA. Un saut quantique, un vrai saut de l’ange même.

Et, en parallèle, Cindy Sherman a réuni dans Crossing views une soixantaine d’œuvres issues de la collection de la Fondation mettant en lumière 20 artistes français et internationaux qui servent de pendant à l’exposition et en donnent certaines clés. De Warhol à Cogitore, en passant par Louise Bourgeois, Annette Messager ou Zanele Muholi, le voyage vaut plus que le détour.

Jean-Pierre Simard le 29/09/2020
 Cindy Sherman à la Fondation Louis Vuitton + Crossing Wiews ->3/01/2021

Fondation Louis Vuitton, 8, avenue du Mahatma Gandhi 75116 Paris

Zanele Muholi, Thembekile, Parktown, 2015 Série Somnyama Ngonyama Tirage gelatino argentique, 80 x 62 cm © Zanele Muholi © Zanele Muholi