Comment partager sa vie entre les rôles de bon père de famille et de super-héros quand vos pouvoirs tiennent au fait de vous travestir en femme? Telle est la question. Le coming-out et la confession de cette passion singulière produisent le roman graphique le plus délirant de la rentrée

«Il n’y a pas de super-héros plus super que Dragman, le héros travesti de Steven Appleby. Appelé aussi Dolly Marie, il mène contre les voleurs d’âmes de Black Mist un combat apocalyptique, névrotique, tendre, drôle – et brillamment dessiné. »

POSY SIMMONDS

Depuis qu’il a trouvé, adolescent, un bas de sa mère dans le sofa, August Crimp a découvert deux choses. La première est qu’il adore porter des vêtements de femme. La seconde est que lorsqu’il le fait, il devient capable de voler. Oui, comme un super-héros! Hélas, cette passion un peu obsessionnelle est contrariée par la peur du ridicule et de la réprobation générale. Si sa mère, puis sa femme venaient à l’apprendre, c’en serait fait de lui. Du coup, il range sagement dans des cartons les tenues et souvenirs de Dragman, le nom de guerre qu’il s’était donné. De toute façon, la ville regorge de justiciers masqués. Mais voici que Cherry Mingle, la petite lle qu’il a sauvée d’une terrible chute du toit du musée d’Art moderne un jour qu’il s’y était rendu en Dragman, réapparaît dans sa vie. Elle a encore besoin de lui, cette fois pour aider ses parents qui ont vendu leurs âmes à la mystérieuse compagnie Black Mist pour lui payer ses études. Dragman reprend donc du service, et l’aventure (même si elle finit bien) ne sera pas de tout repos...

C’est comme dessinateur de presse que Steven Appleby s’est fait connaître au Royaume-Uni, en collaborant avec The New Musical Express, The Guardian, Punch, The Times, The Observer... Son trait «brillant, vif et noueux», écrit sa consœur Posy Simmonds, l’a établi comme l’un des meilleurs humoristes britanniques. Après la parution de vingt recueils de dessins, il livre son chef-d’œuvre avec Dragman, thriller graphique et pastiche des comics de super-héros à la fois drolatique, profond, désopilant, émouvant, philosophique et intime. Car, détail qui n’est pas sans importance, Steven Appleby, fasciné depuis toujours par le transvestisme et le transgenre, vit depuis le milieu des années 90 habillé en femme.

On conseille donc aux intègres ministres de la Cinquième, tiens Blanquer par hasard, de potasser un peu Dragman, avant de parler aux élèves et de prendre des poses d’encravaté pudibond. Saine lecture, franche rigolade, Do bon, bon, bon.

Jean-Pierre Simard le 22/09/2020
Steven Appleby - Dragman - Denoël Graphic