L'AUTRE QUOTIDIEN

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Watine, à l’aube d’un nouveau jour avec ses Intrications quantiques

Il ne faudrait écouter cela qu’aux petites lueurs de l’aube, à peine sorti du sommeil des vieux jours, quand on écoute serein quelques notes de piano qui viennent délivrer, avec le renfort de quelques machines, le message d’un autre possible.

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Quand la musique se fait discrète (discreet music façon Eno), c’est bien qu’elle annonce autre chose et se pose en six séquences/titres pour dire son fait à un passé défunt, un passé enfin… aboli. Comme disait Nerval, je passe mon tour ! Intrications Quantiques est le disque d’après qui fait corps à cœur pour le dépasser avec, Skin Deep, un vieux titre des Stranglers (Maybe there's someone who makes you weep, And some nights loom up ahead, When you're asleep, Some days there's things on your mind you should keep, Sometimes, it's tougher to look than to leap, Better Watch Out for the Skin Deep!

Mais, si c’est du rock, il a sûrement changé à Odéon pour arriver à Marcel-Sembat. Du Saint-Germain trip hop d’autrefois, chanté on a glissé vers Laaraji sans paroles.  Fini le Tourist, bienvenue au Boléro de Ravel dans une vision du bout des doigts, vision intergalactique qui fait sens pour exploser le passé complètement schlass de Léo Ferré.

 

Il y a d’abord ce putain de piano omniprésent, du là à l’ailleurs. Mais si ! Eros et Thanatos compte les vivants et les morts, le plaisir avec son retour, puis sa perte. Chienne de vie.

Blurred Shapes, en suivant, joue littéralement les formes floues : thème, motifs, arrangements puis s’en va sans jamais vraiment s’installer/s’imposer. Le son se pose, un peu absent dans la cathédrale des sensations. On y sent le passage de quelque chose qui y était mais pas plus. Jamais plus et on passe à autre chose.

The Lighthouse on the Edge, comme un sentiment d’après le bonheur disparu, mais qui était bien là, une interrogation sur le mode solitaire. Petite divagation néo-romantique. A quoi bon le bonheur s’il n’en reste que des brides, si le souvenir se fait mineur comme Verlaine sans Rimbaud. On ne parle, on s’en parle et puis l’après de ceci n’a plus d’apprêt. Alors on passe… 

Still Water Run Deep nous convoque avec ses bols tibétains et ses chœurs d’outre-trombe pour dire : halte-là, j’existe. Moi, mes fantômes. Moi, ma vie … mais ça ne va pas s’arrêter là - car j’ai choisi. Et, si je résonne c’est bien que je suis en vie –  et en train de faire le cri/tri. C’est Eurydice du fond des enfers qui regarde Orphée ( et les soupirs de la Sainte et les cris de la fée.). Dans cette version moderne, c’est bien elle qui ressort vainqueur, un peu partie, un peu naze, comme une diablesse d’une boîte de naze ; (bien sûr) pour reprendre le cours de sa vie.

Rustling Forrest ou quand Jung met deux doigts à Freud. Tao t’es kid ? On sent l’approche d’une nouvelle cosmogonie. Après les bols tibétains du précédent, la forêt, en marche, se met à bruisser de tous ses possibles avec son piano Fauré qui, de peu précède Maurice qui va arriver ensuite. C’est l’éveil qui danse, c’est la pluie qui glisse sur les corps nus et donne envie. Le printemps vous a fui ? Réinventez-le donc ; semble nous dire une Watine qui s’ébroue effeuillée et ravie. A poil. Littéral. En beauté. Mais oui !

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 Interstellar Un-Ravel ou le Boléro dépassé par Watine (et ses célibataires même… ) Du tube planétaire de Momo on connait ceci :  « Pas de forme proprement dite, pas de développement, pas ou presque pas de modulation ; un thème genre Padilla, du rythme et de l’orchestre »Ravel dixit. Mais ici on ne joue ni chez les Beastie Boys ni chez les Buzzcocks de Monotony, quoi qu’on y sent un peu des deux. En clin d’œil sans plus. Ici la musique de ballet se fait coup de balais ; à la manière d’un Jean-Claude Vannier complétant Gainsbourg, comme si Ida Rubinstein, à qui il était destiné, dansait enfin son propre solo, en direct d’une galaxie proprement féminine. Frank Zappa s’en était approché, mais en restant un peu proche de l’esprit quand Watine, c’est tout à son honneur, l’envoie proprement dans les étoiles, et sans cuivre aucun. Piano, xylophone, un peu de percus, une grosse basse ( la trouvaille !) et des synthés glissants/bruissants, pour faire bonne mesure. 

Le tour est joué, le passé recomposé, il peut dire autre chose. Et Watine, dire enfin autre chose dans le chant de son nouveau possible. Ce n’est plus le Victor Hugo grand-père de Demain dès l’aube, je partirai… mais bientôt, pour de nouvelles réjouissances, la Joyce Mansour du Téléphone Sonne ( rien à voir avec tête d’ampoule !) « Le téléphone sonne, Et ton sexe répond. Sa voix rauque de chanteur, Fait frémir mes ennuis, Et l’œuf dur qu’est mon cœur, Frit. »

Jean-Pierre Simard le 18/09/2020
Watine Intrications Quantiques – Catgang/Believe Digital