L'AUTRE QUOTIDIEN

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Écorché wilnerien du lutin Marc Bolan

Dernier effort d’Hal Wilner , décédé le 6 avril dernier, Angelheaded Hipster: The Songs of Marc Bolan & T. Rex est un bizarre hommage au king du boogie britton, l’ex mod-psyché passé au glam avec un bonheur inégalé. Cet album foutraque mérite qu’on en parle pour les fausses pistes et les bonheurs d’adaptation.

Dans le domaine souvent lamentable des albums d'hommage à plusieurs artistes, personne n'en a réalisé de meilleurs ou de plus intéressants que feu Hal Willner. Si Willner avait un réel don pour associer les artistes au matériel, son vrai talent était la juxtaposition de divers talents sous une même tente (Lost in the Stars de 1985 : The Music of Kurt Weill est le seul album où vous trouverez Sting, John Zorn et Johnny Adams au même endroit), et à trouver des moyens imaginatifs de relier les morceaux (en utilisant les récitations de Ken Nordine pour terminer le livre Stay Awake de 1989 : Diverses interprétations de la musique des films Vintage Disney de 1989). Plus qu'un groupe de personnes reprenant des chansons du même artiste ou des mêmes genres, les projets de Willner étaient de vrais albums (de producteur), utilisant leurs divers ingrédients pour créer quelque chose de plus que la somme des parties. Mais là, on ne sait pourquoi, ça ne fonctionne pas très bien partout … Trop mort le monsieur pour assurer la cohérence du propos constant, genre The Man of constant Sorrow… )

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Les chansons de Bolan étaient les joyeuses divagations du plus grand hippie du glam-rock, doté d'une vision du monde ludique, trash, mais résolument cosmique. Angelheaded Hipster, cependant, emprunte l'approche inattendue de prendre les chansons de Bolan bien trop au sérieux. Le boogie qui était la marque de fabrique de ses œuvres les plus connues en est presque entièrement absent, et si le jeu de mots de Bolan était souvent bien trouvés, beaucoup des artistes présents choisissent de les traiter comme de grandes déclarations philosophiques, ignorant la dérision si présente dans ses paroles. Quelques-uns des interprètes font ce choix, notamment Lucinda Williams, qui sonne béatifique sur Life's a Gas, et Nick Cave, qui trouve d'une certaine manière une nostalgie lugubre dans Cosmic Dancer, mais comem c’est lui, ça passe. Cependant, la plupart du temps, cet album nous offre des reprises arrangées et magnifiquement rendues de chansons qui n'étaient pas censées sonner de cette façon, et pour chaque grande surprise (Peaches sonnant juste ce qu'il faut sordide sur Solid Gold, Easy Action, King Khan secouant I Like to Boogie, et le balayage orchestral de Ballrooms of Mars d'Emily Haines), il y en a un autre qui ne clique pas (Gavin Friday essayant de nous faire peur sur The Leopards, U2 étant éclipsé par un Elton John à peine audible sur Bang a Gong, et Teenage Dream de Marc Almond, imprégné de klezmer, aussi beau en théorie qu’avec son rendu jazzo/zornien.

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Chaque artiste amène son truc, les accompagnateurs sont en pleine forme et, dans le dernier tiers de l'album, les choses finissent par se mettre en place à la Willner quand Todd Rundgren, Sean Lennon, Victoria Williams, David Johansen, et Maria McKee dérivent à travers des échantillons bien choisis d'un vieil album de comédie. Dans ces moments-là, Angelheaded Hipster sonne comme l'hommage visionnaire à Marc Bolan qu'il mérite vraiment ; le reste n’offre qu’un artisanat brillant et un cœur sincère à la recherche d'un but, manquant des fois la cible pour mieux la trouver ailleurs. D’un côté, du Bolan inédit dans cette forme, de l’autre un Wilner qui n’aurait sûrement pas sorti cette version-ci. Mais n’ayant pas, pour ma part, accès à l’au-delà, seuls les cadres du label pourraient en témoigner - ce qu’ils ne feront certainement jamais. Un coup dans l’eau ( delà!) … 

Jean-Pierre Simard le 11/09/2020
V.A. - Angelheaded Hipster: The Songs of Marc Bolan & T. Rex - BMG

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