L'AUTRE QUOTIDIEN

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Vous reprendrez bien un peu de l'herbe nouvelle d'Albert Ayler ?

A vouloir pousser le free du côté de la pop, en passant par la soul et le R’n’B, Ayler n’a pas vraiment été suivi ni compris en 1969. Pourtant, après une vie de galère et la reconnaissance de Trane, il est le seul avec Pharoah Sanders a avoir été convié à jouer à son enterrement. Le blues torrentiel d’Ayler méritait la reconnaissance que le spiritual jazz offrira à d’autres… Ressortie vinyle chez Third Man, du lourd.

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Et, pour comprendre l’importance du son et des découvertes d’Ayler, ce document anglo-suédois a quelques mérites à baliser le parcours et la fin tragique du bonhomme, retrouvé noyé dans l’Hudson plusieurs jours après avoir disparu en novembre 1970. On ne sait toujours pas s’il s’agit d’un suicide (thèse de la police) ou d’un crime raciste, ce que le reste du monde croit fortement… Mais revenons à la louable initiative de Jack White.

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L'album New Grass de 1969 d'Albert Ayler a été mal compris dès le jour de sa sortie. Sur cet album, Albert Ayler expérimente la musique soul et retourne à ses racines R&B (il a commencé sa carrière en jouant du saxophone avec le bluesman Little Walter de Chicago), en la fusionnant avec le free jazz d'avant-garde (le seul élément du disque qui a reçu des louanges constantes) et en ajoutant les voix de Rose Marie McCoy, des Soul Singers et d'Ayler lui-même.

Comme s'il avait prédit la division que le disque allait provoquer, Ayler s'adresse dès le départ, directement à l'auditeur et explique que cette Nouvelle Herbe là n'a rien à voir avec ses albums précédents - qu'il est d'une "dimension différente de sa vie" - dans l'ouverture de l'album "Message d'Albert".

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Vu d’aujourd’hui, l’album mérite d'être reconsidéré, non seulement pour ses grooves funky lourds et ses arrangements surprenants, mais aussi pour sa bravoure à défier les normes de l'époque. Dans les années 60, le jazz était bien accepté comme une forme d'art uniquement américaine, tandis que la soul en tant que genre était encore considérée comme primitive. Ayler les fusionne et crée quelque chose de nouveau, d'aventureux et tout à fait personnel. Le Miles électrique des années 70 poussera le bouchon plus loin dans le free funk avec Pangaiea et Herbie Hancock avant Rock It tournera afro-funk à synthés avec les Head Hunters.

À l'époque de sa sortie et malgré son accueil mitigé, New Grass a contribué à décloisonner les genres et a révélé les libertés potentielles de la musique qui se jouait alors, le rock croisant le jazz ou l’inverse sir les scènes des Fillmore et ailleurs… . On retient l’influence qu’il a eu sur des générations jazz, R&B, Funk, Hip Hop, Post Punk, No Wave et des artistes sans frontières comme Pharaoh Sanders, Alice Coltrane, Funkadelic, Jungle Brothers, Red Krayola, Sonic Youth et Mark E. Smith. Third Man Records fait un clin d’œil à l’histoire en que New Grass est une force de guérison indéniable. Et on vous signale, à l’occasion qu’un des pressages précédent couplait justement icelui avec Music si the Healing Force of the Universe. Passée la surprise de la sonorité du ténor fougueux, la claque reste d’importance. Essayez pour voir … 


Jean-Pierre Simard le 2/07/2020
Albert Ayler - New Grass - Third Man Records