Depuis les premières parutions d’Obscure Records et la trilogie berlinoise de Bowie, l’ambient déroule ses volutes sophistiquées. Carsten Nicolai alias Alva Noto creuse l’histoire du sujet avec sa série Xerrox. Dernières nouvelles du front avec le volume 4 … 

Il y a comme un mutisme dans la plupart des musiques d'ambiance qui la fait échapper aux critiques : rendu sans paroles, peu susceptibles de susciter des réponses illicites, verbales ou écrites. Xerrox Vol. 4, le quatrième volume des cinq de la série Xerrox de Carsten Nicolai (alias Alva Noto), voit le compositeur allemand enquêter depuis plus de dix ans (depuis 2007) sur la manipulation de fragments audio familiers pour mieux les transformer en monolithes sonores extraterrestres, par un insaisissable tour de passe-passe. Et, cet élan central/but avoué/ objectif final est tout ce qui nous est donné pour résoudre le puzzle que constitue ces sorties.

La conception de ces quatorze pièces - arrangée de façon complexe pour une série d'expériences exécutées sans filet, ni perception exacte du nombre de textures entrecroisées qui remplissent l'espace à un moment donné, étonne et ravie. Ici, des rafales de vent viennent se briser au long d’une route sur Xerrox Kirlian, quand de lourdes gouttelettes font fondre des glaçons invisibles sur Xerrox Plongée. Mais Alva Noto ne se soucie aucunement/jamais de révéler les plans de son monde synthétique et naturel. Xerrox Vol. 4 évoque la notion de flux à l’œuvre parce qu'il semble ne faire qu'un, avec des phrases de piano dont on devine seulement l’existence fantomatique, chaque bourdon se propageant jusqu'à devenir l'air que vous respirez. Et, magie de l’ambient, on adhère sensoriellement au propos.

D'un ton nettement différent de la relative dureté des séries précédentes et de ses collaborations passées avec Ryuichi Sakamoto, les titres Xerrox Voyage et Xerrox Île sont imposants et mystérieux malgré leurs formes vaporeuses, comme s'ils avaient été conçus et enregistrés lors d'un voyage en ferry, au ralenti, à travers la mer du Nord et, plus au nord encore, aux confins de la civilisation, comme ces titres pourraient l'évoquer. Il y a assez de choses sur l'énorme Xerrox Calypsoid 2, avec son matelas de piano provisoire sur des couches de chaleur et de froid confluents, pour envoyer l'auditeur à la recherche de ses propres échantillons et les inciter à les réarranger.

Si vous avez encore des doutes sur les buts de l’ambient, c’est simple : prenez n’importe quelle chaîne d’infos en continu, coupez le son, montez le volume des enceintes et appréciez la différence. Y apercevoir n’importe quel coq, spécialiste de rien, monter sur ses ergots pour envoyer du non sens devient alors, un pur plaisir et une appréciable divagation. On voit bien le crétin s’énerver - mais là, il est seul et hors jeu - et vous avez alors échangé un flux de rien contre un vrai, mais sensoriel et participatif, cette fois. Pigé ? Nicolai a choisi de se réinventer en 14 pistes, à vous de voir si les paysages présentés vous conviennent (sans appel). 

Jean-Pierre Simard le 18/06/2020
Alva Noto - Xerrox 4 - Noton