L'AUTRE QUOTIDIEN

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Taken Away : Moodymann emporte ton boule déconfiné

Tu fais bien lectrice, lecteur, de faire le mal… encouragé que tu es par l’écoute du Do wrong qui ouvre le Taken Away de Moodymann. Une basse ultra funky, des samples r’n’b et on entre dans ce nouvel album comme dans un mix gigantesque qui, d’entrée, annonce la couleur.

Nous atterrissons dans le meilleur du funk, une dance music comme on en n’entend presque plus, avec Kenny Dixon Jr en prêtre (en Prince) d’une musique qu’on croyait disparue. Gospel et blues viennent y répéter à l’envi que la source réelle du groove est dans la musique afro-américaine. Les champs de coton libéraient alors les chants les plus troublants et les plus attachants. La culture du coton a changé, pas le fonds musical.
On s’emporte, se téléporte, avecTaken Away, ce morceau-titre qui file élastique vers un funk 80’s, mais livré avec ce supplément d’âme qui donne au synthétiseur le mood mélancolique qu’il faut sans tomber dans la nostalgie du « c’était mieux avant ». En ciseleur précis et aiguiseur d’ambiance, le son s’autorise une incursion vers la musique cinématographique d’un thriller qui n’aurait que pour seule intrigue la musique, Deux Flics très amis amis, sur la côte Ouest en quelque sorte. Michael Mann ne nous démentirait pas et aurait volontiers choisi ce titre pour l’un des épisodes de sa saison 1.

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Chez les DJ géniaux, les rapports entre les sons samplés révèlent la composition. Il ne s’agit pas de coller bout à bout des choses plaisantes, encore faut-il raconter quelque chose par ce biais, Moodymann ne se prive pas de récit. Jamais. On peut même dire que chacun des titres nous emmène au cœur de cette Amérique musicalement métisse, avec juste ce qu’il faut de vintage pour faire craquer ceux qui usèrent leurs semelles à La Nuit Blanche aux Ormes-sur-Voulzie, lorsqu’on payait l’entrée et la consommation à 50 Francs.
Notre Nicolas Repac ne renierait pas le Goodbye Everybody qui aurait pu figurer dans son BLACK BOX  génial, hommages aux origines du blues, avant que Clapton et toutes la clique des guitaristes blancs s’emparent des standards de la musique noire pour mieux en faire leur beurre. J’éviterai ici de rentrer dans le débat de la troupe de Jagger qui, sans le blues, n’existerait (sans doute) tout simplement pas.

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Chez Moodymann, on sent qu’a chaque piste, il éveille et réveille nos références de groove sexy en techno douce et terriblement sensuelle. C’est le cas avec Slow Down pour notre plus grande joie et - bien malin qui -, avec ce piano et cette drum & bass, ne battra pas du pied.
Encore une fois, il convoque des sons de rue pour l’urbanité comme signe d’une musique foncièrement vivante, forcément un peu racaille, un hors la loi, mais toujours sur la limite. La basse qui slape fait passer le morceau par divers ambiance, sans jamais devenir un puzzle inaudible. On sent qu’il se retient l’ami, pour éviter le gloubiboulga qui pourrait nous faire perdre le fil. Jamais… On trace, on roule, ça trace, ça roule… jusqu’au Brésil, où une bossa cliché vient faire remuer tous les boules du monde, dans une joie non feinte. Bien sûr, on est loin de la bossa made in Gilberto, mais celle des 80’s toujours.

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Just stay a while se technoïse franchement mais garde un orteil dand le groove magique des voix noires américaines qui font vibrer le cœur des filles et trembler les voix des garçons qui aimeraient tant chanter pareil. Ce contraste quasi anti-groove, crée une jolie ambiguïté sonore, montrant que la techno ça peut s’écouter autant que se danser ; n’en déplaise à ceux qui ne voient les raves que comme des cauchemars de décibels mourants dans la boue du petit matin à moitié sourd.
Et des oreilles, il en faut à l’écoute de Kenny Dixon Jr. qui prend un malin plaisir dans ses choix de motifs répétitifs à évoquer les productions du grand Quincy Jones sur Thriller (par exemple (pour ne citer que le plus connu). Let Me Show Your Love est fait de ce bois. Un empilement charnel de motifs synthétiques qui nous font penser instantanément aux titres les plus réussi de MJ, post dégradation identité peterpanesque.

On aborde alors, avec un léger frisson, le 9e et dernier titre et, déjà on sait, qu’il nous laissera l’envie de le remettre tout de suite au début parce qu’a chaque plage de ce nouvel opus, Moodymann sème des cailloux sur un chemin où chacun de nous, en petit Poucet frustré, désire ne jamais retrouver la maison, perdu dans les méandres du son qui groove, ailleurs, loin des règles déconfinées, nous imaginant frotti, frottant nos boules et nos bouches dans une orgie sonore à mille lieues des distanciations physiques, ultime transgression jouissive d’une fête qui pourrait enfin réunir l’humanité ! Si seulement…

Richard Maniere le 3/06/2020
Moodymann - Taken Away - KDJ 49