Le projet à l’œuvre ici est de montrer comment les Everly Brothers seraient à l’origine du country-rock en 1968 avec leur album Roots, en le rapprochant des deux précédents : The Hit Sound of the Everly Brothers et The Everly Brothers Sing. Histoire … 

Phil et Don Everly, après des débuts en famille, se refont une santé en duo à Nashville en 1956 aux débuts du rock et vont avoir jusqu’au milieu des années 80, une carrière discographique à succès. Au passage, leur harmonies vocales vont donner des idées quelques idées à d’autres : des Beach Boys aux Beatles, Hollies et autres Simon & Garfunkel, sans oublier Crosby, Stills, Nash & Young. On cite, pour l’histoire, quelques repères du genre : Wake Up Little Susie, All I Have to Do Is Dream, Claudette, Cathy’s Clown, Walk Right Back, Ebony Eyes ou Temptation, juste pour resituer l’importance des frangins aux voix d’or.

Roots est le troisième disque du coffret Down in the Bottom. Les deux précédents CD contiennent des versions élargies des albums de 1967 The Hit Sound of the Everly Brothers et The Everly Brothers Sing, des disques où le duo a adapté les sons de l'époque à sa propre volonté. Mais, les Everlys ont suivi l'évolution des modes pendant une grande partie des années 60 - juste avant The Hit Sound, ils ont enregistré Two Yanks en Angleterre, où ils étaient fréquemment soutenus par les Hollies - mais en se concentrant sur ces trois albums, il est possible de les entendre surfer sur la vague hippie et s'installer dans une musique américaine cosmique en pleine expansion mentale au moment où ils ont enregistré Roots. Chacun des albums est enrichi de titres bonus tirés de singles et de morceaux inédits découverts à l'origine sur les énormes coffrets de Bear Family. C’est un bon boulot d’archiviste motivé… 

Il y a des versions alternatives parmi ces bonus, mais il y a aussi et surtout des chansons importantes, comme l'épopée psychédélique Lord of the Manor, qui aide à combler la transition entre les vieux tubes du Hit Sound des Everly Brothers et le country-rock de Roots. C'est une belle histoire des années 60, qui prouve que les Everlys n'ont jamais perdu leur étincelle créative, même lorsqu'ils ont quasi disparu des hit-parades, et le choix orienté de Down in the Bottom le montre clairement, d'une manière qui n'est pas aussi flagrante avec les seuls 33 tours individuels et les autres coffrets qui semblent ne montrer à tort que le partie émergente du glacier Everly. On dira que c’est plus facile à marketer.

C’est du beau boulot, mais on se souviendra aussi des travaux de Buffalo Springfield entre psyché et country-rock 67/68, des Byrds de Sweetheart of the Rodeo 68, du International Submarine Band 68 de Gram Parsons qui nagent dans les mêmes eaux, mais plus en papillon qu’à la brasse coulée… C’est cool de découvrir aujourd’hui que les Everly s’y sont aussi frottés, mais si l’histoire n’a pas retenu leur contribution, c’est bien pour la raison que simple participants au mouvement psyché puis country-rock, ils n’en ont pas bâti de nouveaux canons. Le disque oscille entre reprises petites fulgurances. Prod plutôt fine, compos bien foutues, mais de génie … pas trop. Et on les retiendra surtout pour leur apport d’avant, celui qui a influencé toutes les 60’s dans la façon de construire des harmonies à deux, trois ou quatre voix ou plus - je vous laisse mettre les noms qui correspondent. Une pile de tubes, une poignée de classiques, quelques belles découvertes. C’est pas mal ! En Attendant que Poco, Eagles, voir America viennent ramasser la mise et célébrer les cocaïne cowboys des 70’s.

Jean-Pierre Simard le 15/05/2020
The Everly Brothers : Down in the Bottom: The Country Rock Sessions 1966-1968 - Cherry Red