L'AUTRE QUOTIDIEN

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28/35 Les révélations exquises de Matriona épuisent Biaise

La tempe appuyée contre la vitre, Biaise pouvait retourner les faits de toutes les façons possibles dans sa tête, cet enfoiré de Bill l’avait mis dans un sacré merdier, avec un M majuscule. C’était sa seule certitude.

Pour le reste, il se débattait comme un insecte dans les fils gluants de la toile d’araignée dans quoi il était pris.

Matriona ne montrait aucun signe de faiblesse. Délaissant la Nationale et l’autoroute, la BMW roulait à une allure tranquille sur les départementales en direction de Touville. Matriona ne semblait pas inquiète, souvent son regard quittait la chaussée et son coup d’œil se fondait dans le paysage auréolé de la lumière resplendissante du sud. Peut-être était-ce sa façon de se concentrer et de rassembler ses idées.

A l’entrée d’un village semblable à ceux qu’ils avaient déjà traversés, Biaise demanda d’un ton las de s’arrêter devant le prochain bar-restaurant pour manger quelque chose, n’importe quoi. Matriona a obéi sans poser de question. Malgré l’heure prématurée et passée la surprise de la commande, la serveuse accepta avec un petit sourire malicieux de servir un steak tartare. Matriona prit un double-expresso et regarda Biaise ne faire qu’une bouchée de son assiette. Ni l’un ni l’autre ne pipèrent mot. Biaise laissa un généreux pourboire puis le couple reprit la route. Après quelques minutes, Biaise décida de rompre le silence.

-  Je ne sais plus quoi penser. Tout est de plus en plus confus, cette histoire est de plus en plus dingue.

Matriona prit une longue inspiration et dit que, d’après les éléments en sa possession, les Allemands et les Anglais avaient préparé un plan pour compromettre le chef suédois, Walstroem. Burton Sr. pensait que ce dernier préparait un putsch pour prendre la tête de la secte. Les dissensions entre Burton Sr. et les Suédois ne dataient pas d'aujourd'hui. Les différentes prises de position et les initiatives de Walstroem, qui prônait une alliance avec la France et l'Angleterre, commençaient à agacer les Allemands et les Anglais. Via Burton Jr., les Anglais avaient négocié en secret avec Marcus Lotz, le leader des Allemands. Burton Sr. et l’Allemand partageaient un pragmatisme à toute épreuve.

- Mais quel rapport avec ce qui se passe dans le coin ?

- C'est ici que tout se noue. Il y a beaucoup d'anglais. L'un d'eux, Gordon Wallace, est en cheville avec les Allemands, les Français et Burton Sr.. Il a rencontré Lotz en Allemagne, pour l'informer que des Suédois préparaient l'éviction de Burton Sr. et que des membres allemands y étaient mêlés. L'info était bidon, bien sûr.

Le coup avait été entièrement monté par Burton Sr.. En suggérant que des membres allemands appuyaient la manœuvre suédoise, Burton Sr. savait que Lotz n'apprécierait pas cette nouvelle. Les deux chefs se soutiennent mutuellement. Alors Lotz a monté un dossier contre Walstroem en visant sa femme. Il a fait fuiter des documents datant d’un ancien rapprochement entre Suédois et Allemands, dont le Suédois avait été l'organisateur, et avant que Burton Sr. n'entre en jeu. Des photos et des films d’une grande fête célébrant leur accord ont été pris et la femme de Walstroem faisait le lien, si on peut ainsi s’exprimer, entre les principaux membres des deux pays.

De leur côté, les Français avaient eu vent du présumé complot et ont informé Burton Sr.. Puis le dossier compromettant est arrivé entre leurs mains, ce qui a achevé de discréditer Walstroem. Le tour était joué. Burton Sr. avait obtenu ce qu'il voulait, des preuves.

- Putain, c'est méchamment tordu, dit Biaise. Et tout le monde a mordu à l'hameçon ?

- Ce qu'il faut comprendre, c'est que Burton Sr. cherche une alliance solide avec les Allemands, et même si les Français craignent les Allemands, ils ont aussi misé sur Burton Sr..

- Et ensuite ?

- Il faut voir plus loin. Dans ce genre de partie à plusieurs bandes, le plus vicieux l'emporte le plus souvent. Mais les Allemands ont commis une grave erreur. Ils n'ont pas mesuré la portée de leur manœuvre. Celle-ci a considérablement affaibli leur groupe, en discréditant des membres importants. Le grand gagnant dans l'histoire, c'est Burton Sr..

- D’accord. Mais Sergur et Ventura, ils font quoi dans ce bordel ?

- Ils se vendent au plus offrant. Ventura m’a tendu un piège bien foutu, renseigné par je ne sais pas qui et pour je ne sais quoi.

- Et toi, de quel côté es-tu vraiment, Matriona ?

  Elle a éclaté de rire.

- Du côté de la survie. Je la joue solo, étant donné que j’ignore les intentions de mon camp, si jamais ils en ont.

- Quelle merde, soupira Biaise ; et il bailla.

Une partie du jour, ils le passèrent à somnoler dans la BMW sur une aire d’une zone industrielle aux abords de Touville avant de faire un brin de toilette et de s’offrir des vêtements de rechange dans une galerie marchande et enfin de gagner la ville en début de soirée.

- Je connais un endroit qui nous fera oublier tout ça, dit Matriona après avoir garé la voiture dans un parking souterrain.

Elle guida Biaise dans un petit restaurant slave derrière la gare centrale. Elle se jeta au cou du propriétaire, un Russe jovial au nom imprononçable, à la corpulence et à la pilosité d’ours, et l’embrassa. Un baiser à la russe, sur les lèvres. Très démonstratif. La moustache conquérante de l’homme ne semblait pas la gêner. Peu habitué à ce genre d’effusions, Biaise n’avait aucune envie de lui offrir sa bouche. L’ours se contenta de l’étouffer dans ses bras comme si Biaise était son meilleur ami de retour d’une expédition aux confins du cercle arctique. Il accompagna le couple à leur table. « La meilleure! » chuchota-t-il en jetant un coup d'œil circulaire aux rares clients installés autour d’eux. Dès qu'on a été assis, Matriona commanda une bouteille de vodka.

- Et pas de la pisse à quarante degrés, Michka, précisa-t-elle à voix basse au serveur.

Le ton et son assurance ne surprirent pas Biaise. Le serveur hocha la tête de façon solennelle. La bouteille qu’il revint déposer sur la table ne ressemblait à rien de connu dans nos contrées. Pas d’étiquette. Matriona s'en empara et remplit les verres. D’une lampée, renversant la tête comme si elle riait à gorge déployée, elle vida le sien, cul-sec.

- Ah, ça fait du bien !

Après s’être essuyée la bouche du revers de la main, elle remit ça. Rebelote, la vodka fila directement dans sa gorge.

- La vodka se boit de cette façon, dit-elle sur le ton de l’évidence.

Il n'est jamais trop tard pour découvrir de nouveaux plaisirs ? Biaise l’imita. De l'essence mélangée à du verre pilé ne lui aurait pas donné une sensation différente. Il se racla la gorge.

- C'est bon, hein ? fit Matriona.

Biaise acquiesça en silence, la bouche en feu. Lui qui estimait avoir une bonne descente, la cadence de Matriona était infernale. Une forcenée de la vodka. Elle buvait comme un trou et restait aussi fraîche qu’une neige tombant au sommet du Kilimandjaro. Elle le regardait droit dans les yeux en parlant. Biaise avait du mal à fixer son regard. Tout prenait un contour flou. Le service n'était pas assez rapide. A la moitié du repas, la bouteille était déjà vide. Matriona fit signe à Michka d'en apporter une autre. Elle aurait pu défier un régiment de cosaques, des Huns, voire Gengis Khan lui-même. Plus besoin de parler, le langage était superflu. On buvait, on mangeait. Biaise était fasciné, vampirisé. On s’empiffra de zakouskis, de pirojkis, de pelmenys et de caviar. On vida la deuxième bouteille. Matriona entraina Biaise dans une sarabande joyeuse. On dansa, cassa des verres, brisa des assiettes par terre. Des clients les applaudissaient. Biaise croyait que ces enfantillages n'étaient plus pratiquées que dans les restaurants grecs de troisième zone (ceux qui affichent leurs menus en plusieurs langues et qu'il faut éviter comme les staphylocoques dorés. ) Bientôt, on regretterait cet exotisme de pacotille. Tout était en train de disparaître. On fêtait la fin d’un monde.

Biaise planait. Sous le charme de cette beauté volcanique. Deux étrangers, poussés l’un vers l’autre par une scandaleuse attirance, un insolite parfum de mystère les enveloppait, et les romanciers russes auraient su enluminer le drôle de couple que ces deux-là formaient. Union contre-nature de la Belle et de la Brute. Biaise se sentait l'âme foutrement slave, et s’il n'était pas complètement torché, il était bel et bien à côté de ses pompes. Il insista pour régler l'addition, en puisant dans le bas de laine de Bill.

On quitta le restaurant dans un éclat de rire. Apparemment insouciants, on se promena le long du canal du midi.

- Ça te dirait de faire un peu de sexe ? demanda Matriona.

A l’entendre, on aurait cru qu’elle parlait de se dégourdir les jambes. Biaise fit celui qui n’avait rien entendu. Elle était ivre, sans aucun doute. Jamais une femme ne lui avait fait une proposition aussi directe ( enfin si, une seule ). Il resta perplexe.

- La bête à deux dos ? reprit-elle. Pour finir cette nuit en beauté. Qui sait ce que demain nous réserve. Et puis, t’es un peu mon héros.

Elle le prit par le bras et décida d’aller dans un hôtel de sa connaissance, qu’elle trouvait pittoresque, romanesque. Elle héla un taxi qui les conduisit dans une ruelle obscure d’un des plus sordides coins de la ville. Le chauffeur parut sur le point de faire un commentaire puis il se ravisa. Bien lui en prit. L'enseigne lumineuse de l'hôtel jetait un faible éclairage sur la façade décrépie et noire.

- Ça m'a tout l'air d'un nid à maladies.

- T'es un grand garçon, Biaise, t'es vacciné.

D’une bourrade dans le dos elle le propulsa dans l’étroit hall d’entrée. Un réceptionniste à la figure rougeaude, sans cravate, était assoupi derrière son comptoir. Matriona le réveilla d’une pichenette sur le dos de la main. Visiblement, le type se souciait fort peu de son hygiène, et l’entretien de son système pileux laissait particulièrement à désirer. Leur soufflant aux visages son haleine empestant la vinasse, il demanda simplement combien de temps on comptait garder la chambre et d’un doigt il indiqua les tarifs inscrits sur une feuille jaunie punaisée au mur. Malgré les protestations de Biaise, Matriona régla le montant d’une nuit en disant au réceptionniste de garder la monnaie. L’homme opina, tendit une clé, spécifia l’étage et se gratta le crâne. Des croûtes de pellicules restèrent accrochées sous ses ongles crasseux. Il s'en foutait. Il fixait Matriona, l'air de se demander ce qu'elle pouvait bien trouver à ce petit gros, vieux et moche ( et avec lequel il pouvait entretenir un air de vague ressemblance, lui laissant l'espoir de pouvoir baiser, un jour, une telle créature ), ou quelle perversion pouvait inciter le couple à venir se perdre dans ce cloaque. C'était une question que Biaise ne se posait plus depuis qu’il avait laissé Matriona prendre les choses en main.

L’éclairage de l’escalier était insuffisant et on monta en se cramponnant à la rampe. Au second étage, presque à tâtons, il leur fallut quelques instants avant de trouver la porte de la chambre. Aucun bruit ne filtrait de nulle part. L’hôtel semblait désert. Une odeur de moisi imprégnait le couloir. Seuls les derniers des damnés de la terre venaient trouver refuge ici. On pénétra dans l’obscurité de la chambre.

Matriona alluma la lumière. L’abat-jour du plafonnier était criblé de trous et son ampoule dispensait une lumière livide. Biaise eut une grosse bouffée de parano. Il se dépêcha d'allumer la lampe de chevet. Et si Matriona lui avait tendu un piège ? Comptant sur la lubricité masculine pour endormir ses soupçons et lui faire la peau. Au final, il en savait très peu sur elle, et encore moins sur les desseins qu'elle poursuivait. Il était peut-être devenu gênant pour beaucoup de monde.

Matriona s’approcha. D’instinct, Biaise se raidit. Ses yeux étaient fous, elle avait une tête d’étrangleuse. Elle lui prit le visage entre ses mains, le serra, sa bouche s’empara de celle de Biaise. La pointe de sa langue anéantit les fragiles défenses en une fraction de seconde. Un long baiser ardent fit taire toutes les rumeurs intérieures, Ce n'était pas raisonnable. Biaise ne devait pas se laisser aller de cette façon. Et si sa langue se détachait ? Il était toujours dans la crainte de perdre un bout de sa personne au plus mauvais moment. Leurs langues explorèrent les bouches puis Matriona s’écarta de Biaise.

Tandis qu’il récupérait son souffle, elle fit glisser ses vêtements au sol. Dans des froissements de tissu voluptueux, elle offrait un spectacle époustouflant. Biaise était sous hypnose. La chaîne en or qui pendait entre les seins ne le surprit pas, mais qu’elle passe dans l’anneau au bout de la crosse d’un petit pistolet lui provoqua des picotements désagréables au bas des reins. Sexe et flingues ne faisaient pas bon ménage dans sa tête.

- Cadeau d’un ami, dit-elle en ôtant la chaîne, qu’elle déposa sur l’unique chaise.

Ça devait être une coutume des peuplades nordiques. On s’offrait des flingues comme d’autres des fleurs, des chocolats ou des bijoux, hiboux, cailloux dans ses genoux qui jouaient des castagnettes, Biaise n’arrivait plus à penser. Matriona le troublait trop.

Habillée, elle était éblouissante, cela a déjà été souligné, mais une fois nue, se dressant sans pudeur, les seins pointant vers le plafond, les poings sur les hanches, suggérant sa beauté callipyge digne d’un Rubens, elle était renversante, Biaise était renversé, il s’est laissé tomber sur le lit, muet, brusquement aphasique. Il en oubliait les draps jaunâtres et les auréoles dégueulasses d'origine suspecte.

- A nous deux, maintenant !  s’exclama-t-elle.

Elle eut un grand sourire carnassier, qui effraya un peu Biaise, puis s’abattit sur lui, arracha ses vêtements. Il avait rendu les armes depuis longtemps. Elle ne se soucia pas du trou dans le torse qui se résorbait déjà et ne lui posa jamais aucune question à ce sujet. L’éventail de félicités qu’elle déploya était absolument incroyable. Elle était pleine de ressources, de surprises, excellentes, excitantes, et presque dangereuses. Dans ses fantasmes les plus dingues, jamais Biaise n'aurait pu imaginer les lubricités qu'elle lui réserva lors de cette nuit.

Biaise avait gardé le souvenir de très peu de femmes et, par bonheur, elles étaient toutes capables d’envoyer un homme au septième ciel d’un simple coup de langue, toutefois, aucune n’égalait Matriona.   

Elle alliait l'inspiration et le savoir. Un mélange de sensualité, de fougue animale et de connaissances anatomiques, rehaussés d'une pointe de violence. Biaise s’aperçut qu'une forme adaptée de brutalité n'était pas pour lui déplaire. Jamais il n'aurait cru cela possible. Au lit, il s’était montré plutôt doux comme garçon, viril, mais avec un zeste de fragilité.

Biaise est ressorti de ces galipettes fourbu, complètement rincé, à peine capable de remuer le petit doigt de pied. Il tombait de fatigue. Matriona était toujours pleine de vitalité, comme ressourcée. Elle essaya de le tirer de sa léthargie en lui parlant de jazz scandinave et russe, Ça existait, à quoi ça pouvait ressembler ?

Tout en parlant, elle lui caressait le torse. Passait le doigt autour de la cicatrice des trous. Elle ne lui posa aucune question sur leur origine. Biaise ronronnait. Sans prévenir, elle lui arracha un poil. Il poussa un cri et la regarda, stupéfait.

Elle riait de toutes ses grandes dents blanches alignées à la perfection. Elle le roula sur le dos et lui claqua les fesses. Une tape cuisante pour le cuir délicat, qui réveilla ses ardeurs. Ce fut le signal d’une nouvelle étreinte, pleine de rebondissements, toute aussi enflammée et indescriptible que la première. Biaise tenta de prendre le dessus en serrant les poignets de Matriona dans le dos. Elle répliqua en lui assénant un coup de tête au plexus qui lui coupa le souffle. Il relâcha sa prise et céda à tous ses caprices. Il n'eut pas à le regretter. A l'issue de cette seconde expérience à peine plus courte que la première, réduit à l'état de viande morte, Biaise sut que dans le petit tiroir mental étiqueté érotisme, où étaient conservés les images, les sons, les mots et les saveurs les plus épicés de sa brève et épisodique vie amoureuse ( des provisions pour l’avenir ), les délices de Matriona venaient de remiser ses précédentes expériences au rang de vieux clichés moribonds. Et si jamais il ne baisait plus pendant les vingt prochaines années, il pourrait toujours se repasser mentalement le film de cette nuit inoubliable.

- Je... suis... mort. Tu... m’as... tué, haleta-t-il, les bras en croix sur le lit.

- J’ai un bon truc pour te réveiller.

- Non, non, n’y pense même pas. Je suis incapable de subir un nouvel assaut.

- Tu me prends pour qui ? Une nymphomane ? Idiot, je ne parle pas de ça... Mais du coup que Bill a monté contre toi.

- Quoi ?  Tu connais Bill ?

Biaise roula sur le flanc, prit appui sur un coude et regarda Matriona. Elle avait réussi à piquer sa curiosité. Elle souriait.

- Pas personnellement. Je ne l’ai jamais rencontré. Mais je suis au courant de ce qu’il fait, ou plutôt de ce qu’il a fait. Pas dans les moindres détails, mais néanmoins j’en sais pas mal sur lui. Dans notre monde, tout le monde connaît plus ou moins tout le monde. Directement ou indirectement.

- Oui, et alors ? Affranchis-moi.

- Tu tiens vraiment à le savoir ?

- Arrête de jouer au chat et à la souris avec moi.

- Eh bien, il te manipule depuis le début. Bill est un mercenaire. Il se vend au plus offrant.

Les yeux ronds, Biaise retomba à plat dos. Matriona lui laissa le temps de ruminer ces informations. Etait-il surpris, réellement surpris ? Son sexe avait la réponse. Si Matriona le lui avait appris avant de baiser une seconde fois, il serait resté mou. Jamais il n'aurait bandé à nouveau. Elle avait eu raison de lui réserver cette surprise pour la fin.

- Ne me demande pas pour qui il bosse, reprit-elle. Je l’ignore.

- Pourquoi tu me racontes ça ?

- Il y a quelque chose en toi, Biaise. Comme une illusion, une quête. Ça me plait. C’est ce qui fait ton charme. Mais les illusions, dans mon domaine, c’est vraiment la dernière chose dont j'ai besoin.

- Le monde est plus vaste et plus profond que tu ne le penses. J'en sais quelque chose, crois-moi.

- Le monde n’est qu’un étang de glace sur quoi nous glissons, Biaise. Puis un jour, la glace se brise et nous sombrons.

Elle lui déposa un doux baiser sur le front, lui souhaita bonne nuit et s’endormit aussitôt. Quelle drôle de femme. Quant à Biaise, il savait que la fée Morphée ne viendrait jamais le visiter dans cette chambre.

Au pays de ses cauchemars, la nuit ne tombait jamais tout à fait.

Jean Songe le 27/03/2020
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