L'AUTRE QUOTIDIEN

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Smagghe et Cross s'offrent une séquence minimaliste avec 1819

Clin d’œil direct - ou pas - au Paris 1919 de John Cale, ce 1819 co-signé d’Ivan Smagghe et Rupert Cross pose une évidence minimaliste et un sens du concept développé qui joue au ping-pong à la fois avec l’ambient d’Eno et les compositions néo-classiques de Cale, remplacé ici par Cross pour un bel effort à la fois masqué et référentiel, mais vraiment intéressant. On adore.

Passés à la question, par Resident Advisor du titre à titre de l’album, les deux compères s’en sont tenus à parler d’abstraction musicale et poétique. En clair, on vous propose un voyage, prenez votre ticket … Et ce sera tout. Malgré tout son talent, Smagghe reste quand même une tête de nœud dès qu’il faut s’exprimer.

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La première constatation de 1819 est qu’ici les rythmes se limitent ici à une pulsation basse et sombre. L'ambiance est très vacillante. La voix grave de la poétesse Adelle Stripe prononce des vers macabres sur la traversée d'une cathédrale au son de synthétiseurs malsains sur "From Sacred Heart", qui sonne comme du Coil passé au brou de noix. Quelques morceaux plus tard, l'ambiance plus happy - la houle plaintive du piano et des synthés subtils de "Somewhere In Time" est comparable à celle de "Music For Nine Postcards" d'Hiroshi Yoshimura, ou du dernier solo de Sakamoto. Mais ce qui frappe en premier, c'est l’envie et la réussite du duo à faire ressentir des pics émotionnels en utilisant une base d'idées musicales légères. "Drain" reprend la figure de synthétiseur du remix de Warden CA et la transforme en une méditation magistrale et bouillonnante qui ressemble à une prise de synthé minimale sur un rock psychologique transcendant. Ils emploient le même truc sur "Antheia", sur lequel un petit gargouillis est utilisé comme base pour un morceau de synthé épique et installe le climat du meilleur titre de l’album; genre, en un rassemblement/dépassement des essais et titres précédents, pour un climx du plus bel effet.

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Antheia Smagghe & Cross

Alors, évidemment, on se souvient que Cross est un athlète de fond de la B.O. et que Smagghe n’a pas son pareil pour faire remonter dans ses compositions toutes sortes d’émotions habituellement cachés - c’est pour ça qu’on l’apprécie tant depuis si longtemps. et là; on cite encore R.A. : Tout cela a abouti à la combinaison inédite de Smagghe & Cross, qui associe musique expérimentale, downtempo et bande-son. Avec ces quelques indices, vous n’êtes pas encore au bout du propos - dommage que la critique électronique oublie toujours ce qui l’a précédé…  car on a à faire ici à une réactualisation/dépassement de ce que Cale avait posé avec Paris 1919, entouré de la moitié de Little Feat , en rebalançant du classique dans le rock (You’re a Ghost, la la, la… ), comme ici l’écriture cinégénique envoie la galaxie électro aux nouvelles du son de 2020 avec des morceaux de poésie, de rock, etc. Pas pour faire semblant, juste pour dire que la proposition est là, à prendre et à lêcher. Bien entendu !

Jean-Pierre Simard le 4/03/2020
Ivan Smagghe & Rupert Cross - 1819 - Offen Music