La bonne parole cosmique de Pharoah Sanders
Après la mort de ses pairs, John Coltrane et Albert Ayler, en 1967 et 1970, Pharoah Sanders s'est retrouvé à l'avant-garde d'un nouveau style de musique, une forme de jazz hallucinatoire destinée à atteindre le ciel grâce à des saxophones hurlants et un rythme sans frontières. Ici, enregistré à Paris en 1975, on sent l’amorce d’un virage stylistique à venir. Sa mort nous laisse orphelins. Un certain jazz n’est plus.
Live In Paris (1975) restitue une performance du Pharoah Sanders Quartet dans le Grand Auditorium du Studio 104 de la Maison de la Radio, le 17 novembre 1975. Avec Sanders au saxophone ténor, Danny Mixon à l'orgue et au piano, Calvin Hill à la contrebasse et Greg Bandy à la batterie, le chef d'orchestre semble étonnamment réservé ici, laissant les autres prendre la tête du groupe en se défoulant un peu sur son cor. Et il fait presque la même chose sur l'interprétation de "The Creator Has a Master Plan", jusqu'à ce que, peu avant les quatre minutes, un léger cri reconnaissable émerge du fond du mixage, et que le chef d'orchestre hurle à travers les tambours qui dégringolent, les basses qui déferlent et le genre d'accords d'orgue que l'on entend dans un vieux film d'horreur. Pourtant, si "Creator" se sent lié à une sorte de malheur, le morceau suivant, "I Want To Talk About You", ralentit le rythme pour une balade romantique ; c'est presque du jazz doux avant que cela ne devienne vraiment une chose, et Sanders émet un son plus doux, préfigurant la direction qu'il a prise musicalement à la fin des années 70.
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Mais c'est sur le dernier morceau, "Love Is Everywhere", que le groupe s'envole. Avec ses louanges et ses applaudissements, la chanson ouvre sur un mantra qui, répété plusieurs fois en huit minutes, ressemble à une bénédiction dans une vieille église baptiste du Sud. Vers la fin, alors que l'arrangement se dissout et que Sanders le traverse en gémissant, l’appréciation du public éclate avec un tonnerre d'applaudissements. Il n'est pas certain qu'ils se soient tous convertis à sa vague de spiritualité, mais d'après l'émotion brute de la nuit, de nouveaux fans ont dû comprendre ce soir-là son chemin.
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Entre les détracteurs qui parlaient à son propos d’un jeu digne de barrissements d’éléphant et son approche en décalque coltranien de I Want to Talk about You, vous avez le présent d’alors de Pharoah et sa quête stylistique qui s’esquisse ici -même. Un moment charnière, un superbe live Indeed !
Jean-Pierre Simard le 19/03/2020
Pharoah Sanders Quartet - Live in Paris 1975 - Transversales Disques /INA