L'AUTRE QUOTIDIEN

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A Niš en Serbie, on aime beaucoup les crânes … 

On trouve un monument fort macabre dans la ville de Niš en Serbie, la tour des crânes, appelée par ses habitants Ćele kula. Elle n’a pas été construite pour commémorer des héros tombés au champs d’honneur, mais installer une terreur durable et couper toute envie de rébellion.

Ćele kula / Maxim Bonte

Longtemps, la région a été le théâtre d’affrontement entre serbes et ottomans, chacun prenant, tour à tour, possession des lieux à force de bataille. Ainsi, en 1809, une force de dix mille rebelles serbes s’est approchée des villages au sud de la ville de Niš. Une bataille féroce s’est engagée, notamment sur le Čegar avec des troupes commandées par Stevan Sinđelić, d’où des attaques étaient lancées contre la forteresse de Niš. Repoussés par les Ottomans numériquement supérieurs, les troupes de Sinđelić ont fini par être défaites et le mont envahi par l’ennemi. Sinđelić, se sentant pris au piège, a sorti son arme et tiré sur le magasin à poudre, déclenchant une énorme explosion tuant tout le monde aux alentours.

Ćele kula / Maxim Bonte

Après la bataille, le Grand Vizir Hurshid Pacha a ordonné que les têtes de Sinđelić et ses hommes soient envoyées au sultan Mahmud II. Le sultan a apprécié l’offrande, puis a renvoyé les crânes à Niš en demandant qu’une tour soit construite avec les crânes, un avertissement à tous les Serbes qui oseraient se rebeller. C’est ainsi que la tour des crânes de Niš a été créée, comportant à ce moment quelque 952 crânes des soldats serbes.

Ćele kula / Maxim Bonte

Dans les années 1860, alors que le pouvoir ottoman s’affaiblissait, Midhat Pacha, dernier gouverneur ottoman de Niš, réalisa que la tour ne faisait qu’encourager le ressentiment contre l’administration ottomane en rappelant la cruauté passée de l’empire. Il a ordonné que les crânes restants soient retirés, sans oser la détruire, car elle était devenue un symbole fort de la résistance serbe. Aujourd’hui, il ne reste qu’une cinquantaine de crânes, la tour étant désormais protégée dans l’enceinte d’une chapelle.

Des Catacombes parisiennes aux empilements de crânes des tueries arméniennes, la symbolique de l’ossuaire est une constante culturelle à vocations diverses. On tente de rendre hommage d’un côté, quand on exhibe, par ailleurs, le sentiment de la tuerie totale pour l’effroi. Qu’est-il advenu du rêve des grands cimetières sous la lune … ?

Ćele kula / Maxim Bonte

Jean-Pierre Simard le 1/03/2020
La tour de Ćele kula