McCarthy et les zombies en plus, c'est “Daybreak” de Brian Ralph en BD
Sur un schéma narratif parallèle à celui de Cormac McCarthy pour “La Route”, Brian Ralph écrit et dessine son apocalypse à zombies “Daybreak”, et c’est tellement bien foutu que Netflix en sort actuellement une série…
Là où tout n’est que ruines, épaves de voitures, supermarchés dévastés, tanks abandonnés, chiens errants… Et des zombies, partout. Heureusement, quelques humains subsistent. Mais pour quoi faire ?
Bonne idée pour Delcourt de sortir enfin ce Daybreak, alors que Netflix en a sorti la série télé il y a peu. Parce qu’en fait, la BD américaine datant de 2006 tient plus de l’exercice de style graphique que du blockbuster hollywoodien ( quoique… )
Le parti-pris hitchcockien (donc hollywoodien !) de la bd est radical : l’histoire y est montrée par les yeux du héros, qu’on ne verra ni n’entendra jamais. De plus, l’apocalypse zombie en vision subjective, est un autre parti-pris assez balaise d’autant que cela se passe sans voix off.
Tout va donc se jouer à l’économie, à ne montrer que les pauvres types et les maigres cabots croisés ici ou là, car les zombies on ne les voit que de très loin finalement. Porté par un dessin rêche et brunâtre , l’album avance par sursauts, au gré des mouvements opérés par le comparse croisé par le héros, un manchot rongé par l’amertume et la douleur. Pas sympathique pour un dollar, une fois le vernis se craquelant et la peur augmentant. Mais un beau personnage de bande dessinée, car parfait miroir du lecteur qui peut se projeter à la fois dans le doux héros et dans ce dur-à-cuire en mode survie – via l’interrogation « que deviendrais-je, que ressentirais-je en cas d’invasion zombie? ».
Puis, astuce du récit et libération du lecteur, l’aridité du récit laisse poindre l’émotion, jusqu’à une longue séquence finale dérangeante et poignante. Un épilogue qui, doublé de la prise de risque initiale, rend ce Daybreak aussi fort qu’atypique. On dira que la singularité de l’énonciation laissant de la place à un réalisateur doué ne pouvait que trouver des candidats à l’adaptation sur les réseaux. Et ainsi fut fait …
Jean-Pierre Simard le 17/02/2020
Brian Ralph - Daybreak - éditions Delcourt