L'AUTRE QUOTIDIEN

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Avec “Ekundayo”, la soul/reggae de Liam Bailey renouvelle le genre entre roots et nu-soul

Comment faire œuvre ? En s’appropriant le passé pour en donner sa version actualisée, comme vient de le faire ici brillamment Liam Bailey, au carrefour du son roots propagé par son producteur et les modèles de la nu soul. Le résultat est là. “Ekundayo”. Oh yeah !

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Natif de Nottingham en Angleterre, Liam Bailey est le fils d’une mère anglaise et d’un père jamaïcain qu’il n’a pas connu. Il doit ses premières influences musicales à la collection de disques de sa mère : Bob Marley, Dillinger, Stevie Wonder, The Supremes, The Beatles et Jimi Hendrix ont forgé l’identité artistique de l’auteur-compositeur-interprète britannique. 

En 2007, alors que Liam cherche un accompagnement artistique pour faire vivre ses premières créations, son management de l’époque le présente à un certain Leon Michels, musicien / producteur et co-fondateur de Big Crown Records à Brooklyn, bien avant que ce dernier ne rencontre le succès avec Aloe Blacc, Lee Fields, Sharon Jones ou encore Lana Del Rey. Il s’envole pour New York et enregistre les désormais classiques “When Will They Learn” et “I’m Gonna Miss You”, qui ne verront le jour qu’en 2011 et ne cesseront depuis de tourner dans les sphères reggae du monde entier. Ce voyage et ces premiers enregistrements marqueront le véritable début de carrière de Liam, couronné par des collaborations avec des producteurs de renom tels que Salaam Remi, une signature sur le label Lioness Records de la regrettée Amy Winehouse, puis un passage en major (Sony Music) pour Definitely Now, premier album de Bailey sorti en 2014. Une aventure qui ne sera finalement pas des plus fructueuses tant la vision artistique et marketing de la maison de disques divergeaient de celle de Liam.

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Alors que la carrière de Liam Bailey a connu un tas de rebondissements et d'embûches inhérentes à l’industrie du disque, Michels et lui sont restés en contact et se sont progressivement rapprochés avec en tête l’idée d’enregistrer à nouveau ensemble. En 2019, les planètes s’alignent enfin et ils décident de se lancer dans la création d’un album. Cette fois-ci, Liam s’affranchira de toute direction imposée ou d’un quelconque cahier des charges. « Ekundayo est l’album que nous avons toujours voulu faire », déclare Michels. La signification du titre révèle l'essence de ce projet et le chemin parcouru par Bailey : “Ekundayo” en yoruba (une langue parlée principalement en Afrique de l’Ouest) se traduit par “le chagrin devient joie”. En surface, le résultat est un disque solidement ancré dans la tradition reggae, avec des riddims aux textures tantôt rétros, tantôt modernes... En creusant plus en profondeur, on découvre des inspirations soul et r&b ou encore des rythmiques dancehall, à l’instar du premier single “Champion”, ode efficace à la plus belle femme d’un soir en discothèque, propulsé par un redoutable beat de 808 et une imparable basse de Roland Juno.

La chanson “Don't Blame NY", vibrante, mélancolique et sombre, est le point d’orgue de l’album. L’approche du morceau n’est pas sans rappeler le r&b abstrait et hypersensible d’un Frank Ocean. La voix de Liam - à la tessiture soul et polyvalente au point de s’être invitée sur de la drum & bass par le passé - évolue ici dans un registre différent, avec une émotion dépouillée qui nous laisse difficilement insensible. Quiconque a vécu et essayé de prospérer à New York comprendra sans difficulté les paroles, Liam chantant et pointant du doigt à la fois la complexité et la richesse de la grosse pomme. Grâce au savoir-faire inimitable de Leon Michels, des éléments clés de la production jamaïcaine parsèment le disque. L’orgue est à parfaite hauteur, comme sur le très positif et authentique "White Light" ; la guitare du titre "Fight" apparaît à la fois percutante et sourde. 

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Ekundayo est à ce jour le projet le plus personnel et incarné de Liam Bailey, qui aborde des sujets sous des angles qu’il n’aurait pas imaginés quelques années auparavant. Sur "Ugly Truth", il cherche à renouer avec son père biologique, un thème qu'il jugeait autrefois trop personnel pour être traité en musique. Le voyage entre le formatage subi en maison de disques et cet album libérateur a été long et difficile pour Liam, bien qu’enrichissant. L’artiste de Nottingham a définitivement fait de ses luttes une source d’inspiration et de motivation, ce qui donne lieu à ce tant attendu deuxième album.

Télé Scripteur le 18/12/2020
Liam Bailey - Ekundayo - Big Crown Records