L'AUTRE QUOTIDIEN

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Cocktail Party Effect versus Lola : bass music et rock transgenre, deux sorties qui flashent

De la première chanson transgenre devenue succès mondial à la tek anglaise qui secoue les carcans, deux albums pour se remettre les oreilles d’aplomb et lutter contre la grisaille émolliente du confino.

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Charlie Baldwin, après avoir fusionné l'ambient, le jazz et l'indie sur plusieurs EPs publiés par Apollo sous le nom de Kasket, a changé radicalement de direction lorsqu'il est passé au projet Cocktail Party Effect en 2016. Redécouvrant son amour pour la bass music britannique, il a commencé à faire des morceaux plus orientés club, en déformant les rythmes techno et garage, en gardant un objectif funky, capiteux et zarbi. Il a sorti l'EP Shattered Retina en 2019 sur le label Tectonic de Pinch, suivi cette année de l‘album éponyme de Cocktail Party Effect . En gros, c’'est - et de loin - le disque le plus dense, lourd et killer que Baldwin ait jamais sorti. Comme si des fantômes d’ailleurs surgissaient de vos enceintes pour vous secouer le confinement.

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"Talking to Bricks", avec des rimes mortelles envoyées par MC Redders de Bristol, est un grime explosif, si explosif et grotesque qu'il en devient presque drôle. "For the Memory Exchange" s’amuse à tordre des breakbeats sur fond de basses zappées jusqu’en faire un hymne garage. Ensuite, l'album vire au bizarre , en alternant le relativement calme "PDA" avec la puissance de feu très barrée de "War on Codex", puis jouant avec le drill'n'bass frénétique et dispersé de "Cause for Bad Shelving" et "I Get It (Lost Banknote)". Ensuite, les plus ambiants, à l’orgue comme "Lack of Wrong Format" ou "Loner" déconcertent au lieu de rassurer. Véritable album imprévisible et multiforme, Cocktail Party Effect s’avère exaltant, du début à la fin. Il est un reflet cauchemardesque et maîtrisé de moment présent, vécu à fond et sans filtre. Recommandé- et pas qu’un peu.

Et, comme on adore les contrastes pour lutter contre l’uniformité actuelle d’un discours propagé par des crétins rétrogrades pour qui la culture se mesure en chiffres et pas en œuvres, saluons ici la sortie augmentée d’un chef d’œuvre des Kinks, le Lola Versus the Powerman and the Moneygoround, Part One. Succès inespéré du groupe après une longue mauvaise passe sans tube, Lola est la première chanson transgenre à conquérir le monde - respect éternel à Ray Davies seul équivalent des Lennon/McCartney et Jagger/Richard des 60’s, en Angleterre même. On va dire que l’engagement socialiste du groupe lui a nui et pas qu’un peu et que cet album est la revanche du groupe qui après avoir sorti le tube ultime construit un disque qui règle ses comptes avec le milieu musical. Ce que Davies poursuivra avec sa mise à plat du spectacle sur Everybody’s in Showbiz, Everybody’s a Star en 1972, une tentation quasi opératique.

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Mais pour l’instant, en 1970, Davies qui avait beaucoup souffert aux mains de l'industrie du disque voulait raconter l'histoire en chanson. D'où Lola, un concept album libre sur la psychose de Ray Davies et ses sentiments amers envers l'industrie qui les faisait vivre. Davies ne livre jamais vraiment une histoire cohérente, mais le disque tient la route car c'est l'une de ses chansons les plus fortes. Dave Davies chante les adorables "Strangers" et "Rats", qui sont d'une paranoïa appropriée, mais c'est vraiment le spectacle de Ray, qui s'en prend à d'anciens managers (le vaudevillien turbulent "The Moneygoround"), à des éditeurs ("Denmark Street"), à des journalistes de la télévision et de la musique (le percutant "Top of the Pops"), à des directeurs de label ("Powerman") et, au diable, à la société juste en général ("Apeman"- devenu Superman, un hit en France pour Serge Lama- ou avec "Got to Be Free"). Si les titres n'étaient pas acérés, l'ensemble du projet serait insupportable, mais l'album est aussi drôle que colérique. De plus, il équilibre sa bile avec trois de ses meilleures ballades mélancoliques : "This Time Tomorrow", "A Long Way from Home" et "Get Back in Line", une chanson antisociale et syndicale qui capture mieux l'angoisse de la classe ouvrière que toute autre chanson rock signifiant que la fête 60’s est déjà loin. Ray déclarait à la sortie : "L'album est une célébration de la liberté artistique (y compris la mienne) et du droit de chacun à être libre de son sexe si on le souhaite. Le secret est d'être une personne et un ami bon et confiant". Ces chansons constituent un tour de force aussi sauvage qu’éblouissant qui démontre et la virulence et les sautes d’humeur de Ray, dans une égale mesure. Explosif autant qu’explosé. Genre, obligatoire, car la version du cinquantenaire envoie du rare et de l’inédit sous forme de démos, alternate et version avec orchestre classique. Cadeau !

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Jean-Pierre Simard le 16/12/2020
Cocktail Party Effect - Cocktail Party Effect - Tectonic Records

The Kinks - Lola Versus the Powerman and the Moneygoround, Part One (édition du cinquantenaire) - BMG