L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le psyché (un peu) punk de Population II sur "À la Ô Terre"

Une fois qu’on est conscient de la culture psyché des susdits Population II, comme par hasard, au nom évocateur d’Amon Düül et des délires munichois de la bande de Chris Karrer, Peter Leopold, Falk Rogner, John Weinzierl et Renate Knaup, cela fait aussi remonter l’année 1969 et les communes autogérées allemandes de l‘époque, le son étant en lui-même un style de vie bien allumé et enfumé. Alternative ?

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Flamboyant à travers la stratosphère.

Bouillant du fin fond des mers.

Suspendu dans l’air comme de la fumée.

Ces mélodies élémentaires voguent et fluctuent ne faisant qu’un avec l’air, surpassant d’extrêmes chaleurs.

Population II rayonne hors du Québec avec un premier album psychédélique tacheté de punk. 

À la fois old school et intemporel, ces jeunes humains déchirent. 

Leurs performances sur scène sont impressionnantes et cet album, produit par Manu de l’excellent groupe Chocolat, capture cette énergie brute sur vinyle.

En effet, ils ont su placer la barre haut. 

Fluide, dur et sursaturé, cet album saura plaire aux fans de Amon Düül, des débuts de Pink Floyd, Kollektiv, Laurence Vanay, Les Olivensteins, des débuts de Kraftwerk avec même une touche de the Kinks.

John Dwyer


Le trio est formé de deux amis d’adolescence, Sébastien Provençal (bassiste) et Tristan Lacombe (guitares et claviers), ainsi que du chanteur Pierre-Luc Gratton, qui s’est joint au groupe sur le tard. Population II, voilà comment on nomme « les étoiles plus vieilles qu’on ne voit pas dans le ciel, indique Tristan Lacombe. J’aimais l’idée de quelque chose qui est là, mais qu’on ne voit pas car elle brille moins ». Population II, c’est aussi le titre d’un album-culte — ou plutôt bootleg — de Randy Holden sorti en 1970 (réédité en février 2020). Selon des historiens de la musique populaire, Population II aurait été le premier album de musique heavy metal avec son rock psychédélique plus lourd. Mais comme l’opus n’a jamais eu de sortie officielle, c’est plutôt à Black Sabbath que revient ce titre, quoique sur le créneau il faut ajouter Blue Cheer.

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Mais si , le leader des Osees, John Dwyer, y voit aussi la marque du Floyd de Syd Barrett, des Kinks enfumés de 1967, des débuts de Kraftwerk en mode Ralf et Florian, comme des Olivensteins pour l’attaque frontale et rageuse, on y trouve aussi, toujours selon lui la trace des expérimentations de Laurence Vanay (femme du bassiste de MAGMA Laurent Thibault, ce même musicien dont le jeu inspirera toute la new-wave, de Bowie enregistrant à Hérouille et surtout New Order ; elle-même responsable de deux albums ( La Petite fenêtre et Galaxies -produit par Manset). Dwyer s’attarde aussi sur Kollektiv , le groupe le plus free du kraut. On a presque cerné le propos, mais il faudrait y ajouter le Malesh d’Agitation Free, les grands délires cocorico de Crium Delirium ou même le Red Noise de Patrick Vian.

Le psychédélisme de 2020, confiné comme nous tous, rêve encore et toujours d’évasion. Celui des années 60 aux USA, et pas seulement en Californie, manifestait un esprit de libération que la plupart tient aujourd’hui pour un simple moyen de s’envoyer en l’air au casque avec l’herbe du diable ou les pilules d’Oswley. Mais si l’on veut bien se souvenir du premier album – bien produit – de Country Joe & the Fish Electric Music for the Mind and Body , le propos politique était plus que sous-jacent, il attaquait directement la politique de Johnson et la guerre du Vietnam, dont Joe était un exemple de GI démobilisé. Rappel le nom du groupe codé signifiait qu’il était mao (Country Joe pour Staline et le Fish pour la politique de retour à la campagne prôné par le grand timonier.  

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Si on ré-atterrit en notre triste automne et qu’on écoute ici et maintenant nos Québécois de Population II on entend la même envie de s’envoler, le même désir d’autre chose – Un autre monde aurait dit Téléphone – sans le matérialiser mais avec regret ; alors qu’ici on retrouve du souffle, des cuivres, de la guitare volubile et une rythmique quasi plombée qui vient défaire les cieux gris qui nous servent d’horizon, au-delà de nos cages. Tout ce à quoi les comiques financiers qui se protègent derrière l’armée et la police au lieu de gouverner n’ont pas accès.

Comme une petite voix qui dit : Essaye pour voir, fais du bruit en racontant d’autres histoires. Et justement cet envol pour encagés de ce nouvel hiver, on en a plus que besoin, c’est une fenêtre de plus dans un deux pièces sur cour… C’est un coup de vent dans les rideaux qui aère la pièce montée de nos existences lugubres de stagnation voulue par un clan d’incompétents au pouvoir.

La culture doit être absente des têtes des gens au pouvoir, car ceux qui la manifestent, comme ici, envoient la purée- et dans la stratosphère. Si vous manquez d’espace, de respiration et d’envol. Hé bien, cet album devrait vous ouvrir quelques horizons. Et ce, avec ou sans quelques substances prohibées. Nous vivons un moment de bascule culturelle et politique, et laisser des crétins fermer les portes de la perception, la pire chose qui soit. A la porte de  demain / Je laisse le soleil briller. Qui dit mieux ?  

Jean-Pierre Simard le 19/11/2020
Population II - À la Ô Terre - Castle Face Records