L'AUTRE QUOTIDIEN

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Avec "Clam Day", Otto est sans Reverse

Avec Clam Day, ce premier album made in New-York, Otto Benson joue de la pop qui fleure bon l’électro et la déglingue d’une époque assez tourmentée. La nôtre ! Quelques paramètres pour comprendre l’entreprise ébouriffée à souhait. Envoi.

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Ce qu’il y a de bien avec la pop, c’est qu’elle exprime toujours l’air du temps (et ses errances). Suffit de savoir lire, pardon écouter …  On avait déjà découvert Alexander Arpeggio et Cid Hohner, les Berlinois d’Otto, en concert à Lafayette Anticipation et apprécié leur relecture techno-pop arabisante… Mais las, ici on écoute Otto Benson, un New-Yorkais - et autre OTTO -, qui passe le son à sa moulinette déglingue pour d’improbables et intéressants résultats qui concassent pour mieux s’exprimer. Un monde de merde ? Non, un autre de palourdes… Barré le monsieur, oui et pas qu’un peu.

Autrefois, John Lennon s’inspirant d’Elvis et de Buddy Holly pour ses scarabées mémorables, cherchait l’inspiration dans la lecture des journaux et truffait les titres des Beatles de références à l’actualité via les faits-divers. Ici, dans une démarche parallèle, les temps ont changé, Benson fait du Lego avec la pop et l’électro, pour dire une certaine actualité barré, mais une actualité, portée par une vision du monde assez décalée pour faire sens dans l’Amerikke de Trump ( la mort!). De la pop à guitare biscornue du début à la fin de l’album, on verra apparaître des paramètres comme Animal Collective, LCD Soundsystem, Aphex Twin et Boards of Canada pour situer le propos mais, avec un côté perso enchanteur, qui fait la différence et emporte le morceau.

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Les critiques en mal de tiroir le placent dans la catégorie des formalistes mignons, un truc inventé par Nick Currie alias Momus en parlant du Japonais Nobukazu Takemura : une esthétique qui adhère aux notions prescrites d'un sous-genre tout en l'imprégnant d'un sentiment de légèreté et d'enjouement. Et Clam Day, le premier album du natif de Brooklyn Otto Benson, s'inscrit parfaitement dans cette lignée, offrant une vision plus vive de l'électronique, à la fois exaltante et inquiétante. On y trouve à la fois la proximité et la nouveauté d’un mix particulier qui accroche vite les oreilles. La palette de l’album est bien définie : les filtres numériques déforment les voix, tandis que les boîtes à rythmes d'antan s'opposent à des gribouillis et des pépiements lumineux pour donner une impulsion. Ecrit à 6 mains avec Max B et Ronnie P-sang, on va croiser beaucoup de "lutins d'entreprise", un terme utilisé par Benson pour désigner les mascottes colorées des dessins animés déployés par les grandes marques pour servir d'interface avec les consommateurs. En donnant vie à leur univers, il imprègne ses chansons d'un malaise subtil. "Attendant de payer toutes les factures médicales pour toi et moi et pour tous ceux que nous connaissons", Max B chante sur le refrain de "Guess My Crush", sa voix rendue enfantine par un changement de ton. Le résultat ressemble à la série web méchamment drôle Don't Hug Me I'm Scared, avec ses marionnettes en tissu aux couleurs vives qui méditent sur les innombrables horreurs de l'existence sous l'apparence de programmes télévisés pour enfants. Si cela ne vous rappelle pas les incessants talk-show qui délibèrent avec moult crétins spécialistes de tout, du n’importe quoi de l’époque et de ses ourlets ( jupe-short-véreux-blanquette… ), je veux bien m’exiler à Limoux !

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Les chansons les plus mémorables de Clam Day profitent des tropes de genre pour subvertir vos attentes et vous rire au nez. "Valentino Couture Crusty Crayon" transforme les jongles du rock indie et les synthés de Boards of Canada en une cacophonie de distorsion de bande. Il est immédiatement suivi de "Wash Your Hands", qui est à la fois une annonce de santé publique et une chanson sincère sur le fait de se faire pisser dessus. Cette atmosphère barrée (punch-drunk) fait le charme des débuts d'OTTO ; elle évoque un autre monde étrange, où des mélodies simples et des sons non raffinés peuvent se heurter à la complexité de l'IDM avec un abandon imprudent. Et surtout, dire un certain aujourd’hui avec une vue plongeante qui en fait tout le sens, pas du tout interdit. Qu’on se le dise, qu’on l’écoute. je vous propose de mettre la Chaîne Parlementaire, d’en couper le son et d’envoyer Clam Day, vous allez de suite comprendre de quoi et comment ça parle. CQFD !

Jean-Pierre Simard le 7/10/2020
Otto - Clam Day - PLZ Make It Ruins Records