Eko Nugroho et la tapisserie indonésienne
A 43 ans, Eko Nugroho a été dès 1999 porté par la vague de la démocratisation de l’Indonésie, fortement inspiré par les peintures murales communautaires, surnommées “re-public art”. Enracinées dans les thématiques de la vie indonésienne (fanatisme religieux et corruption), ses œuvres sont critiques, humoristiques et exubérantes.
Eko Nugroho est né et a grandi à Yogyakarta, au cœur de Java l'île la plus peuplée d'Indonésie. Formé à l'Institut d'art indonésien (Institut Seni Indonesia), il est entré sur la scène artistique locale à la fin des années 1990, à l'époque de la Reformasi (Réforme), lorsque l'Indonésie se libérait des règnes de son régime fasciste. Une période intense et passionnante de l'histoire de l'art contemporain indonésien ; la liberté d'expression était devenue réalité, et pour la communauté artistique, cette tabula rasa signifiait que tout était possible. Des villes comme Yogyakarta sont devenues le centre d'expressions dynamiques et de nouvelles approches, tandis que les artistes saisissaient l'occasion de jouer, d'expérimenter et d'exercer leur liberté retrouvée. Nugroho a pris la ville comme autant comme source d'inspiration que toile de fond, œuvrant dans plusieurs disciplines, passant avec agilité d'un projet de peintures murales murales très visibles à des peintures et dessins, des projets de livres, de bandes dessinées et d'animations, en passant par des broderies, des sculptures et, récemment, des interprétations contemporaines du wayang kulit (marionnettes d'ombre), une forme d'art traditionnel régulièrement pratiquée dans son village. Les premières œuvres d'Eko Nugroho comprennent des peintures murales et des "installations mixtes" ou des autocollants faits maison, des insignes brodés et des dessins étaient collés sur les murs du centre-ville pour être admirés par le public.
Imprégnées d'humour macabre et de satire, les œuvres de Nugroho, inspirées de la bande dessinée, peuvent sembler simples - souvent un personnage central se tenant sur un fond simple, présenté comme une série de scènes simples d'un récit plus vaste - tandis que le style inimitable de l'artiste, "pating tlecek", qui consiste à fusionner et à juxtaposer un large éventail d'éléments visuels (et de langages), confère à son travail une certaine dose d'absurdité. Pour mieux lutter contre l'adversité d'un pays qui à force de prébendes cherche à imposer à sa population la version wahabite de l'islam, cette merde qui ne sert que les puissants, genre Emirats Qatar, etc. Un artiste en lutte, un !
Sa marque de fabrique consiste en un nouveau langage visuel où les messages politiques s'entremêlent de manière ludique avec l'esthétique appropriée des arts de la rue, des graffitis et des bandes dessinées. On l’a découvert à Asia Now et on a pu s’approcher de ses broderies/tapisseries qui mêlent sur un même support plusieurs façons de travailler. Sa dernière exposition en Australie a été fermée au printemps dernier à cause du COVID 19. Il y montrait les désastres de la pollution plastique en soulignant que l’Australie achetait ses plastiques à l’Indonésie et qu’il y voyait comme un retour de bâton…
Plus sur son travail sur son site
Jean-Pierre Simard le 29/10/2020
Eko Nugroho et la tapisserie indonésienne