L'AUTRE QUOTIDIEN

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"Azimut" le livre de Tendance Floue, enfin édité chez Textuel

Azimut reprend les Cahiers du collectif Tendance Floue et de ses dix huit invités avec nouvelle maquette et distribution avoisinante des images. Après le fac-similé, une autre maquette, sobre, efficace, altière, douce, consensuelle, intelligente et sensible fait ce livre dans ses délinéations. Envoi !

© Bertrand Meunier

…..et pourtant, pourrait-on se demander, pourquoi de ne pas avoir utilisé plus de la matière créé, lors de ces voyages, dont, nous, lecteurs, ne sauront rien de plus et, où, tout un contenu, évoqué il y a deux ans semblait devoir faire Le Livre, THE BOOK, entre les textes et les œuvres produites, les photographies et sans doute, toute la vie nocturne, rêvée, somnanbulique, dont parlent en creux certains portraits, certains paysages, certaines langueurs…

Un aller retour entre la Nuit et le jour, entre l’immobilité et la marche, entre le positif et le négatif de ce livre à deux entrées comme un Yang impossible à dissocier de son Yin, comme un amour perdu cherchant son au-delà, dans les traces encore vivantes d’une Aventure aux cent yeux, aux cent voix, aux mille et une nuits et autant de jour, à pas comptés pour ne pas hanter le vide de cette France, alors tenue par la campagne électorale puis l’élection, puis l’installation au pouvoir, de ces autres marcheurs, à reculons de l’Histoire, mais à y inscrire ces libertés de ton et de couleurs, d’expériences, là, sur les chemins et par les champs, dans les sous-bois et les faux bourgs, les villages, au centre de ce pays vertical, qui ne rêvait plus si haut, (attention gilets jaunes à venir…), rappelant la vertu profondément révolutionnaire du peuple de France, comme son conservatisme étroit, coupant, sa violence routinière, ses générosités et ses peurs, un pays pris à rebrousse-poil, fatigué de se perdre, prêt à se réinventer, là, tout de suite, dans ces marcheurs, auteurs, photographes, poètes, magiciens, tous, gens libres ou prétendant l’être, libertaires en idée plus que libéraux en avoir.

Azimut le livre, ©Léa Habourdin, © Stephane Lavoué

Azimut est un film improbable, les pages vivantes du livre sont comme des balles, aux rebonds sonores, champ de l’invisible combat, alors que tout semble dit, et, pourtant… comme le chant des oiseaux repose au fond du soir, dans la nuit à venir et offre ce refuge, que s’est-il dit véritablement de chacune, de chacun des photographes marcheurs, des amis qui accompagnaient, quelle matière se trouve-t-elle aujourd’hui dans ce panorama, dans toute la déambulation à rebours d’un temps productif, que reste-t-il de toutes ces ombres ployées au creux des cils, de ces perceptions, histoires courtes devenues lisibles, si ce - n’est cette Liberté Plénière vécue en DIRECT, par Nos marcheurs et de leurs traces enchantées, qui ont fait photographie et qui font ici, à travers 288 pages, LIVRE Itinérant et marcheur, roulant ses pages, vers l’avant comme l’arrière, donnant des correspondances et des passages, comme un fleuve, parfois patient et impatient, hâbleur, rouleur de flots sombres, ou pacifié et nonchalant, à l’humeur changeante, comme le temps.

Le livre se trouve alors éclairé a priori par cette citation de Jean Baudrillard, parue dans un autre livre de Tendance Floue Sommes nous ? en 1999. Un rétro-éclairage donne aux signes du présent le signifiant profond de son identité, invariable dans son approche du monde; quelque soit l’objet de l’exercice, le collectif, ici augmenté d’amis, réussit à donner une autre clef à cette entreprise, ces photographies requièrent une pensée magique de l’image et une approche initiatique, ( comme je n’ai cessé de l’écrire au cours de mes six articles consacrés aux A Z I M U T) …. dans la découverte de cette liberté ainsi devenue augurale, ouvrant un chemin d’intériorité et de rencontres de soi dans et par le monde, une façon d’être au monde, et vivant…Belle leçon d’histoire.

Sommes nous? Tendance Floue 1999

L’ exposition de plus de 200 tirages au Musée Niepce de Chalon sur Saône va offrir un autre retentissement à ce travail , comme sans doute toute son ampleur… Toute cette marche improvisée et libre de 9 jours, soumise à un passage de témoins, un relais, afin de couvrir tout un territoire, la France, a fait la preuve de sa justesse en donnant un aperçu des territoires, qui ne soit pas purement géographique, mais le lieu d’une épreuve, d’une physique et d’un retour à soi, par le corps. La fatigue, en retour a su produire une forme de libération du regard, consacrant une sorte de tropisme, interprété par chacun dans ces aventures singulières et pertinentes. Le projet était de se rendre, de se consacrer à cette Liberté organique de soi, sans contrainte, pour Voir….

Sans commande, sans résultat prévu, sans plan, avec tout le désir possiblement… et tout le champ des possibles; de quoi apercevoir aussi dans ces miroirs, livres et exposition, un état certain de ce pays intranquille. Le projet a regroupé 31 photographes-marcheurs et couvert plus de 4 267 kms, à pied, par tous les temps, départ de Montreuil, arrivée à St Jean De Luz, commencée par Bertrand Meunier, achevée par Yohanne Lamouliére. Une aventure photographique, sans précédent dans le paysage photographique français.

Mat Jacob & Jose Chidlovsky, Meymac, KM 1582

Le livre publié chez Textuel se signale comme fait dans l’épaisseur fluide du temps, du rythme sonore des pas sur le chemin, des corps trahis par la fatigue, des rêves de repos, des envolées du regard, des émois et de cette élection composite d’un temps multiple et singulier, proche de soi, corps retrouvés au rythme de la marche, azurs livrés aux infinis et au sourire intérieur… une aventure des terres, territoires, campagnes dans ce temps de campagne électorale et d’élection au pouvoir d’autres marcheurs, bien moins singuliers.

Azimut/ Bruy

Azimut recense tout cela, recentre dans sa dispersion heureuse, toute l’expérience ponctuelle et singulière de chacune, chacun, dans les ponctuations ouvertes à tous les langages; tous les signes accumulés forment ici, une ode à la Liberté, en noir et blanc, en couleur, en trait, en dessin, redonnant à chacun, au fur et à mesure des pages, une place prépondérante, sa place dans la contribution nonchalante, joyeusement libertaire, fondamentalement politique, car occupant tout le plan de l’être en ces territoires, dans la vie directe de toute vie sensible, associant rêves et ombres… bonne heure, masculin au féminin de soi et féminin au masculin de soi…tout un programme itératif acteur de singularités et de beaucoup plus… d’amour de la liberté de soi, sans aucun doute.

Azimut / Lanier, Merlin et Duplantier

Il semblerait qu’une frontière ait été franchie, un point de non retour, glissements progressifs du plaisir, d’un Plaisir dont la mue improbable est devenue écriture et parole, récit, reportage, rapport d une photographie qui s’oublie en tant que photographie pour venir se lover dans le plein champ du rapport autobiographique et se soustraire à elle-même, pour se réinventer en plein, en creux. Selon. Puis, s’épanouir dans la page blanche de l’édition qui l’accueille,  qui la cueille aussi au souffle de la page, comme un seuil aimable.

Azimut, le livre ne cesse de s’activer au regard, de se déployer, de se révéler comme un trans-porteur de sensations nettes, si bien que le livre s’anime d’une façon créative permanente car, témoin de ce qui constitue toute l’expérience des marcheurs (ou du moins ce qu’il  été jugé bon d’en faire!) , quand apparition et présence projettent un point d’orgue rétrospectif à partir duquel il faut faire rebrousser le chemin de sa lecture, pour établir une lecture rétrograde, remonter le temps, feuilleter à rebours ces pages aperçues tout d’abord, pour repartir, comme cette locomotive qui file à reculons chez Truffaut et qui s’enfonce dans la nuit vers l’inconnu et dont le mouvement interroge le montage du film, sa diégèse, et la com-préhension que nous pouvons en avoir dès lors que nous sommes libérés de  toute injonction et capables de lire en nous les traces reçues à brûle-pourpoint de ces photographies au monde embarqué….

Tout un entre-aperçu chemine, se comprend aussi à rebours de soi, dans l’introspection,  preuve que cette marche, organisée de Mains de Maître par le collectif pourrait se charger d’une autre étude des Territoires, en ces temps de pandémie et de restrictions, afin de déprendre par l’image ce pays du Mal  (a dit). Retour aux ombres de l’Histoire et à leurs assignations, c’est par la pleine mesure de ces talents que se refonde tout un imaginaire, positivement. Comme une façon d’être ; une voie, des voix, pour voir à nouveau et respirer plus librement. Mais, est-ce bien là, le projet d’une Culture et de son ministère?

Azimut définitivement

Azimut © Mat Jacob & José Chidlovsky, ©Kourtney Roy

Pascal Therme le 23/10/2020
Tendance Floue - Azimut - éditions Textuel
Expositions :
Clermont-sur-Oise dans le cadre des Photaumnales-> 3/01/2021,
et au Musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône -> 20/01/2021