L'AUTRE QUOTIDIEN

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Jazz is not dead affirme le Festival de la Villette en 2019 … c'est la rentrée, non ?

Ils ont commencé avant nous et la rentrée, sûrement pour marquer le coup et permettre aux vacanciers de retour d’entrevoir un Paris différent, après d’autre paysages ou villégiatures… Qui sait ? Mais la terminologie nous afflige qui dit “pas mort” en faisant jouer des registres sans s’en expliquer. Un sentiment de foutoir à l’inverse d’une sensation d’unité.

Oumou Sangaré par Benoît Peverelli

Le jazz souffre d’un déficit d’image depuis des années - et la plupart d’entre vous n’irait sans doute pas voir un concert si on ne lui faisait pas la leçon. La faute à qui ? Peut être à la façon souvent vieillotte de l’envisager ou de la promouvoir… on disait déjà du registre musical qu’il avait perdu son public au début du bop quand les musiciens black avaient décidé de sortir des costumes qu’on leur avait taillé et qu’ils trouvaient trop petit pour leur imagination ô combien fertile, à la suite de Parker, Dizzy et Miles. Le free des 60’s avait aussi repoussé les limites pour découvrir d’autres univers qui coïncidaient avec leu temps : Coltrane enregistrant un album hippie, Miles virant électro-funk ou Herbie Hancock passant du funk au rap… quand le free français accompagnait la chanson engagée d’ici et même l’Art Ensemble tous derrière Brigitte Fontaine … Comme à la radio !

Mais, depuis la techno qui avait trouvé ses origine dans certains albums du début des 70’s, plus rien ou presque qui n’atteignait le grand public… Sauf que ces dernières années, aussi bien à Londres qu’à Paris, on envisage le propos autrement avec de nouveaux lieux qui envoient le bois, ne font pas payer des fortunes pour y participer et balancent des programmations osées en relation avec l’ère du temps, cf. Le papier de Jacques Denis dans Libération sur ces lieux parisiens qui se réinventent ou, avec plus de rebondissements, la scène londonienne qui profite des antennes de Gilles Peterson pour trouver une audience internationale - méritée par son adoption des dernières culture urbaines techno et dansantes.

A ne pas jouer consciemment ces registres le festival semble diluer son audience et chercher des publics séparés pour ses différents concerts. Est-ce bien raisonnable ? N’aurait-il pas fallu redire le jazz en muscle indispensable des sonorités actuelles, capable de se jouer des nouveaux sons, comme depuis la Nouvelle -Orléans ? A ne pas l’entendre suffisamment/ le voir sur l’affiche, on doute … Mais bon, ne brouillons pas l’écoute.

Vous avez raté Benoît Delbecq qui jouait en double affiche avec Joshua Redman samedi, un petit clip de présentation pour dire les croisements que sa musique fait surgir :

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Mais pourtant, l’éclectisme est de rigueur et la programmation qui s’affiche sur 5 lieux différents le prouve à donner à entendre une variété de choix encore inconcevable il y a dix ans…  De la Grande Halle à la Philarmonie, en passant par l’Atelier du Plateau, le Studio de l’Ermitage et la dynamo de Banlieue Bleue, on peut varier les sons et les plaisirs de l’électro au big band, en passant par le trio, le quartette et des meilleurs. Ce qui nous semble imparable, c’est la réussite (et la file d’attente pour les billets en témoigne) de ce soir avec un vrai éclectisme et des musiciens qui font dans l’ailleurs pour mieux parler d’aujourd’hui.

Emmené par la trompettiste Sheila Maurice-Grey, Kokoroko revendique tout l’héritage des musiques africaines des années 1960, de l’afrobeat au highlife ghanéen, de Fela Kuti à Ebo Taylor. Révélé et adoubé par l’infatigable digger Gilles Peterson, c’est sur son label Brownswood que cet octet (néanmoins à géométrie variable) a publié son premier EP en 2018. Passé par le New Morning il y a quelques mois avec un concert à guichets fermés, c’est un groupe en pleine émergence et déjà plébiscité par le public francilien qui revient cet automne sur nos scènes. Son premier single, « Abusey Junction », édité sur la fameuse compilation We Out There, a fait plus de 28 millions de vues sur Youtube : une élégante ballade, apaisée, qui ne représente qu’une facette de son répertoire, car c’est bien avant tout une musique de danse, tout en cuivres et rythmes funky, que développe Kokoroko.

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Du côté d’Oumou Sangaré qui a signé en 2017 un retour flamboyant avec Mogoya, un album ancré dans la tradition africaine mais avec une production française aux accents électro-pop, cela offre un résultat à la hauteur du talent de cette grande voix malienne. Originaire de Bamako, d’un milieu d’une grande modestie, la jeune Oumou Sangaré a été repérée par les orchestres locaux dès sa plus tendre enfance avant d’entamer une carrière professionnelle à l’adolescence et de publier ses premiers enregistrements en 1988, à 20 ans. À l’instar de son compatriote et immense guitariste Ali Farka Touré, c’est grâce au label World Circuit qu’Oumou Sangaré s’est fait connaître à travers le monde. Depuis, elle s’est imposée comme une figure essentielle de la musique malienne mais aussi comme une référence féministe en Afrique en devenant une entrepreneuse combattante aux idéaux sociaux et progressistes.

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Et puis, la fin du programme du soir voit la rencontre de nouvelles stars avec une création sur-mesure pour les deux groupes les plus exaltés de l’édition 2018 de Jazz à la Villette. BCUC (pour Bantu Continua Uhuru Consciousness) est un groupe né il y a une quinzaine d’années dans les rues de Soweto. Une musique qui emprunte aux répertoires traditionnels d’Afrique du Sud comme à la soul et au gospel avec une véritable dimension d’un chant déclamé. Une musique tonitruante, d’une tension rythmique inaltérable, assurée par sept musiciens, entre voix, percussions et basse électrique. Adoubés par le public européen, c’est sur la route des festivals que les membres de BCUC ont rencontré ceux de Sons of Kemet, ensemble britannique emmené par l’hyperactif Shabaka Hutchings – dont on connaissait déjà l’intérêt pour les musiques sud-africaines. Comme BCUC, Sons of Kemet ne présente aucun instrument harmonique et développe une musique de transe, avant tout rythmique.

Si avec ça vous ne comprenez pas les tendances de l’actualité, vous vous offrirez un abo Deezer et vous les écouterez en boucle jusqu’à ce que … Non mais !

On pourrait vous dire tout le bien qu’on pense d’Etienne Jaumet ou de la soirée hommage à Aretha, d’Arnaud Rebotini ou de Yasin Bey, de Lee Fieds ou d’Ala Ni- et pour faire historique de l’hommage de Cheik Tidiane Seck à Randy Weston avec Archie Shepp, mais on vous laissera lire le dossier de presse pour cela - qui va bien avec la programmation… Le jazz n’est sûrement pas mort, mais la façon de le vendre à l’ancienne est bien finie. Non d’un chat ( qui pêche!)

Jean-Pierre Simard le 3/09/19

Jazz à la Villette 2019 ->10/09/19

Tout le programme , ici

Cheik Tidiane Seck