Lee Friedlander vient d’avoir 85 ans cet été. A cet âge, la plupart des gens commencent à ralentir. Peut-être que des vacances seraient de saison ? Une journée à la plage? Ou un trip à la campagne? Nan. Rien de tout cela pour Lee Friedlander. Son rythme de production semble même s'accélérer ces dernières années… 

Arrêtons-nous sur le magnifique coffret The Mind And The Hand, publié ce printemps par Eakins Press. Caché dans un beau coffret, un ensemble de six livres de poche minces, chacun mettant l’accent sur un proche ami du photographe. Et ceux-ci représentent un "Who's Who" dans le panorama photographique de la fin du XXe siècle: Richard Benson, William Christenberry, William Eggleston, Walker Evans, John Szarkowski et Garry Winogrand.

Friedlander a photographié chacun d’eux au fil des décennies ; un genre d’exploit pour tout photographe. Mais pour lui, ils n'étaient que six autres sujets tirés d'un monde inépuisable et irrésistible. En fait, la longévité de Friedlander peut probablement être mesurée en rapport à la durée de vie de ses collègues. À une exception près (Eggleston), il a survécu à toutes les personnes de ces livres.

Les moments capturés avec des amis sont parfois très intimes : des instantanés de dîners de famille, de mariages et de réunions sociales, ainsi que des moments plus personnels et privés. Pris ensemble, ils sont les petits incidents qui forment le tissu de toute relation profonde. Dans la plupart des amitiés, ces moments passent inaperçus. La différence ici est que Friedlander a toujours eu un appareil photo à portée de main.

 Dans chaque opus, les photos révèlent chronologiquement la personnalité de leur sujet. Dans beaucoup de photos d'Eggleston, le sujet semble être fatigué ou peut-être tout simplement fatigué ; regardant souvent vers le bas comme dans un moment de prière silencieuse. Richard Benson a un regard provocant, comme s'il demandait au monde: "Hé, qu'est-ce que tu regardes, mon pote?" Le sens de la fête habitait Winogrand. Dans presque toutes les photos, il a l'air joyeux et charmant, avec le sourire ironique de quelqu'un qui vient de se souvenir d'une bonne blague. Son livre est le point culminant, présentant au moins une douzaine de clichés candides du défunt maître. Bien sûr, les photos peuvent mentir. Qui peut affirmer à quel point l'un de ces portraits est proche de la vérité ? Disons simplement qu'ils suggèrent fortement certaines directions du regard.

Le titre The Mind And The Hand est tiré d’une citation de Richard Benson qui y affirme que : la main fait son travail et peut survivre à son créateur. Même si l'esprit l'a un jour sous-tendu, le physique est tout ce qui reste. " C'est un clin d'œil aux deux ingrédients centraux de la photographie, mais aussi au sablier sans arrêt de la vie, des amitiés et des bons livres. Ce compte à rebours rattrapera-t-il un jour Friedlander ?

Aztec Camera le 17/09/19

The Mind and the Hand, coffret de 6 livres de Lee Friedlander
Eakins Press Foundation, 2019. In English. 240 pp., 191 illustrations, 8½x9".