L'AUTRE QUOTIDIEN

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Ôtsu-E, l'art populaire du Japon aux XVIIIe et XIXe siècles au quai Branly

ÔTSU-E, les peintures populaires du Japon est la première exposition européenne consacrée à l’imagerie japonaise de l’époque d’Edo. Elle révèle, avec plus de cent vingt œuvres et documents, un art populaire méconnu développé près de Kyoto, entre le XVIIe et le XIXe siècle.

Le dieu de la Fortune rasant le dieu de la Longévité sur une échelle XVIIIe siècle, peinture d’Ôtsu collection particulière, dépôt à l’Ôtsu City Museum of History, Japon.

Les images d’Ôtsu sont loin de connaître en Occident la même renommée que les estampes ukiyo-e, qui leur sont contemporaines. Quelques précurseurs s’y intéressèrent néanmoins, comme l’anthropologue André Leroi-Gourhan ou des artistes, tels le sculpteur catalan Eudald Serra, Miró ou Picasso, dont plusieurs œuvres de leurs collections personnelles sont exposées. La simplification des formes, la liberté graphique, la naïveté et l’esprit humoristique de ces peintures entrèrent en effet en résonance avec certaines formes d’art d’avant-garde au XXe siècle.

L’exposition présente une centaine d’œuvres rares et fragiles : peintures d’Ôtsu, estampes ukiyo-e et peintures d’artistes célèbres du XVIIIe au début du XXe siècle, statuettes et livres illustrés anciens. Provenant de collections privées et de musées japonais, catalans et français, certaines d’entre elles sont dévoilées au public français pour la toute première fois.

Démon au bain XVIIe siècle, peinture d’Ôtsu The Japan Folk Crafts Museum, Tokyo

Les Ôtsu-e ou « images d’Ôtsu » sont des peintures exécutées au pochoir, qui connurent une grande popularité tout au long de l’époque d’Edo, du début du XVIIe au milieu du XIXe siècle. Elles étaient vendues aux voyageurs et aux pèlerins qui empruntaient la route du Tôkaidô reliant Kyoto à Edo (aujourd’hui Tokyo), et dont la ville d’Ôtsu en est le premier relais. Les thèmes de ces peintures — au nombre d’environ cent vingt — furent d’abord religieux, avant d’évoluer vers des contenus satiriques ou moraux. Le répertoire le plus connu est composé d’une dizaine de sujets — comme le démon travesti en moine ou la jeune fille à la glycine — auxquels furent attribuées des vertus protectrices.

De nombreux artistes du XIXe siècle, en particulier de l’école ukiyo-e, comme Kuniyoshi ou Kawanabe Kyôsai, furent fascinés par cette imagerie et s’en inspirèrent, produisant des versions parodiques qui prolongent leur esprit humoristique. 

Ce n’est que dans les années 1920, sous l’impulsion du mouvement pour les arts populaires (mingei), que ces images d’Ôtsu furent redécouvertes, étudiées et miraculeusement préservées par le penseur Yanagi Muneyoshi (1889-1961). Les plus belles pièces de cette collection unique au monde, conservées au Japan Folk Crafts Museum, le musée qu’il fonda à Tokyo en 1936, sont montrées dans l’exposition.

Démon en pèlerin invoquant le buddha Amida XVIIIe siècle,
statuette en bois laqué musée national des arts asiatiques-Guimet, Paris, photo Michel Gurfinkel

Si vous cherchez le pourquoi de l’imagerie démoniaque des affiches et représentations grotesques nipponnes, n’allez pas plus loin, l’origine est ici, du déplacement d’un art modeste à un art populaire qui a servi de modèles à l’avant-garde du vingtième siècle comme au graphisme contemporain. C’est passionnant.

Jean-Pierre Simard le 1/06/19

「大津絵:日本の庶民絵画」展
PEINTURES POPULAIRES DU JAPON -> 15/06/19
MCJP 101 bis, quai Branly, 75015 Paris