Le mangé vif, Eton Alive, brûlot anti-establishment des Sleaford Mods
Quand Paul Weller de Jam parlait des Public Schools et, en particulier d’Eton, l’usine à formater les élites, il n’y allait pas avec le dos de la cuillère à porridge. 40 ans et des mèches plus tard, les Sleaford Mods enfoncent le clou des responsables du marasme économique Britton. Cités, nommément ou pas, les James Cameron et autre Boris Johnson sont passés au goudron et aux plumes sur le dernier et cinquième album du groupe de Nottingham. Réconfort certain …
Comme en macronisme, au pays du mensonge habituel, là-bas on se plaint aussi de la droite et de ses sbires qui ont déconstruit un pays, son industrie et son système de protection sociale (à croire que Grosminet a Thatcher pour modèle). Mais ici, c’est du côté de Kebab Spider qu’on en prend plein la tronche - et qu’on en redemande au fil d’un album qui amène ses petites nouveautés et variables réjouissantes.
Et Jason Williamson, chanteur du groupe, ne tient pas les escrocs précités pour seuls responsables d’un Royaume si désuni. Pour lui, tous ont participé et, s’il y a bien des responsables, chacun est coupable de participer au marasme. Car il y a le fiasco du vote et des négociation interminables sur le Brexit, bien sûr, mais tout autant le repli, la passivité et la déculturation galopante d’une nation en perdition. Des thèmes que Williamson n’en finit pas d’explorer de sa plume venimeuse, couchant ses diatribes, au fil de Kebab Spider ou de Flipside, sur les rythmes secs et percutants concoctés par son acolyte Andrew Fearn.
Maintenir la formule gagnante d’un son minimaliste, c’est aussi savoir la faire évoluer, comme ici s’ouvrir, sans forcer, à un minimum d’arrangements, voire de glisser parfois de la scansion à la chanson. Sur When you come up to me ou Firewall, notamment, Williamson révèle, sur un semblant de mélodie pop, une voix plus douce, introduisant une bienvenue variété dans la joyeuse force de frappe sonique de ces hommes mûrs en colère. Une ouverture qui sonne comme leur premier essai avec les Beatnuts sur leur adaptation d’alors du fameux High Noon .
Et leur punk-rap de rappeler la concision des meilleurs textes de Johnny Rotten, du genre Rise ou Public Image. On ne va pas s’en plaindre, ce serait indigne. Eux ont dégagé de Rough Trade pour monter leur propre label et on attend la suite avec impatience…
Jean-Pierre Simard
Sleaford Mods - Eton Alive - Extreme Eating Record/Differ-ant