L'Electro sensuelle et contemporaine de Catherine Watine
“Watine”, le projet musical de Catherine Watine est encore trop confidentiel pour le grand public. Elle a choisi l’auto-prod pour le faire et, cette fois, a poussé le bouchon au-delà du format pop/trip-hop ou chanson qui était le sien précédemment. Géométries sous-cutanées aborde de biais des climats entre musique contemporaine et électro pour mieux s’affranchir de formats qui n’apparaissent que de manière allusive au fil des titres.
L’avantage d’une formation de pianiste classique, qu’elle assume totalement, est de pouvoir composer et subvertir les règles sans que cela fasse tâche. Et, à l’écoute des premières maquettes esquissées (et entendues) à l’hiver 2017, du premier envoi qui se la jouait concerto électro à l’album définitif, Watine a effectué une révolution copernicienne. Beauvallet, ex-Inrock, y entend des sons et une patte proche de Max Richter voire Nils Frahm, quand Olivier Lebeau y sent la présence de l’Australien OMIT… J’y entends surtout une femme qui s’est libérée de sa précédente vie et a trouvé de nouveaux terrains de jeu musicaux et autres…
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Sur le pourquoi d’un album avec si peu de mots , il ne contient que deux textes, elle déclare :
Le débit internet, voilà ce qui nous préoccupe au plus haut point aujourd’hui, et les smartphones comme deuxièmes pouce et index. Avoir un bon débit internet, avant même d’avoir un bon débit de la parole. Car on ne parle plus, non plus. Ou mal, ou on n’est pas entendu, au choix … bref, on ne parle plus, on n’échange plus, on devient solitaire. Tiens, savez-vous que les conversations entre adultes se font (se faisaient ?) à un débit de 200 à maximum 300 mots/minute.
Moi, c’est plutôt le débit de l’écriture et le déliement des doigts qui courent sur le piano et autres claviers, dont l’Azerty (j’espère qu’ils ne vont pas nous le changer !). Je débite des bêtises ou pas … c’est une question de choix.Alors pour ce nouvel album, je n’ai écrit que deux textes, tout le reste de l’album est instrumental, électro ou électro-acoustique.
Dès lors qu’on accepte de se laisser porter au loin, on est vraiment transporté dans un univers à la totale cohérence qui se développe au fil de 10 titres dont l’immense Jetlag, pièce principale du puzzle qui se développe au long de plus de 14 minutes, en fin de parcours.
Et puis, sur Lovesick, on croirait entendre le retour du Léo Ferré de La Solitude qui se serait mangé une claque électro - ou l’art de la citation juste… Mais, de surprise en surprise, on y entend la beauté du reste.
Voyons cela comme un appel à l’espoir, un renouveau d’après une certaine apocalypse quand reviennent le rêve et l’envie, le rêve de la vie qui se redéploient.
C’est aussi le bonheur d’une âme féminine mise à nu par sa volonté de tourner la page sur une vie précédente, avec une voix qui fait vraiment sonner les mots/maux pour s’en éloigner après les avoir partagés et mieux s’en extraire ensuite. A la re-découverte d’un corps qui se fait son et sensualité et d’une musique qui l’exprime en jouant et se jouant de divers passés qui seraient exposés là pour boucler un temps, le temps d’avant. Oser partager cela, c’est fort et c’est courageux, et le dire si bien une belle prouesse. Alors qu’on entende des modèles précédents comme Björk, Matmos, Fauré ou Richter, voire le krautrock des 70’s n’a que peu d’importance, car l’album existe en lui-même, apte au partage. Un bonheur.
Jean-Pierre Simard le 5/03/19
Watine - Géométries sous-cutanées - bandcamp