L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le vite-fait des récentes sorties discographiques

Ici, on croisera Prince s’emparant de main de maître des sons des années 80, la fidèle chanteuse de Sun Ra June Tyson, un David Thomas jurant que c’est vraiment le dernier album de Pere Ubu, Omar Souleyman surfant sur la crête techno qui lui a apporté la succès et Acid Arab qui creuse avec bonheur son sillon ethno-techno. Envoi !

Prince - 1999 Super Deluxe edition - WEA. Après avoir balancé à la face du monde ébahie ( mais qui n’accroche pas…) une paire d’albums comme Dirty Mind et Controversy, Prince rassemble toute son énergie et concocte - quasi seul en studio-, les musiciens de la tournée arriveront plus tard ( The Revolution) ce double album pantagruélique qui passe à la moulinette les sons connus : le rock, le funk; la disco et les derniers instruments électroniques, synthés et boîte à rythmes arrivés sur le marché pour offrir une continuité sonore à son album 1999. Celui-ci marque l’entrée dans les charts (en quasi continu) d’une rafale de singles et d’albums tous essentiels jusqu’à Sign‘ o the Times. Ici, on découvre 1999, Little Red Corvette et Automatic. et la version Super Deluxe ressort avec un remastering superbe, les deux concerts et les 23 titres inédits enregistrés entre novembre 1981 et janvier 1983, et qui constituent à ce jour la sortie la plus importante du Vault. Attention le cadeau de Noël s’avère assez onéreux avec 5 CD + DVD ou 10 LP + DVD. Un exemple ici-même :de ce qui avait été enlevé du premier pressage, car trop dans la confusion des genres des premiers albums ( Vagina est un garçon… )

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Vagina Prince

June Tyson - Saturnian Queen of the Sun Ra Arkestra - Modern Harmonic. Le monde musical de Sun Ra était un monde qui exigeait une immersion et une volonté de s'abandonner à la vision unique de l'artiste, tant pour le public que pour les musiciens qui travaillaient avec lui. Plus que la plupart des chefs d'orchestre, Râ était un chef bienveillant mais absolu dont les concepts l'emportaient souvent sur les personnalités musicales des individus de l'Arkestra et, par conséquent, les compétences des sidemen de longue date comme John Gilmore et Marshall Allen n'étaient pas toujours pleinement appréciées des observateurs plus occasionnels. On peut dire la même chose de June Tyson, la chanteuse - et seule femme - qui a signé avec l'Arkestra en 1968 et travaillé avec Sun Ra jusqu'à sa mort en 1992. Le rôle de Tyson était particulièrement exigeant, car non seulement elle devait s'intégrer musicalement à un ensemble avec une approche inhabituelle de la mélodie et de la structure du chant, mais elle était aussi le porte-parole de la vision du monde de Ra pour la philosophie abstraite, la race et les possibilités de l'espace extérieur. et le moins qu’on puisse affirmer et que Tyson a rendu audible le son de Ra et qu’elle porte les titres les plus abordables, comme certains moins accessibles au premier abord. Comme porte d’entrée à l’œuvre de Mister Blunt, c’est la voie royale.

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Pere Ubu - The Long Goodbye - Cherry Red Records ou l’annonciation de la fin du monde toujours différée. David Thomas, a décrit The Long Goodbye comme leur destination définitive, un résumé de 40 ans de carrière et 20 albums au compteur. Pour le dernier chapitre du groupe, Thomas s'est inspiré d'une paire d'influences improbables : la musique pop commerciale et le roman noir classique éponyme de Raymond Chandler de 1953 (qui, par coïncidence, fut le dernier livre de l'auteur et l'aboutissement de la série Philip Marlowe). Les inspirations noires de Thomas jettent les ombres les plus vives sur l'excellent "Flicking Cigarettes at the Sun", un adieu dur à Los Angeles (dont il prononce le nom avec un g dur du début du XXe siècle) qui est rempli de menaces et de terreur ensoleillées, et sur "Fortunate Son,"où il explique que la voix préférée dans sa tête "parle sous la lueur d'une lampe d'un dîner au bord de la route dans l'étalement urbain de Los Angeles/Sometime in the'40's, quelque chose comme un roman de Jim Thompson" sur des synthés tendus et des guitares qui ne s'éteignent jamais. Comme un bilan d’un joyeux bordel têtu et apocalyptique, cet album est une vraie réussite avec un son gigantesquement foutraque et un Thomas qui donne de la voix partout où c’est nécessaire. Très bien - et doublé d’un live à Montreuil avec Chris Cutler.

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Omar Souleyman - Schlon - Mad Decent - Le Syrien Omar Souleyman a accumulé plus de 500 albums studio et live depuis 1994. La plupart enregistrés lors de mariages et qui - ce qui n'est peut-être pas conforme à la nature sacro-sainte des événements en question - ont été copiées et vendues localement dans le nord-est du pays. Mais, c’est avec Highway to Hassake, la compilation 2006 du label de Seattle Sublime Frequencies, que sa carrière va dépasser les frontières de son pays natal. Il s'est fait connaître par ici, par son travail avec Four Tet sur 'Wenu Wenu' et Bahdeni Nami'. Shlon , son dernier album sorti sur le label Mad Decent de Diplo fusionne le mélange techno, dabke et baladi de Souleyman. Chacun des six titres de l'album met en vedette le chant. Il y récite des poèmes d'amour écrits par son collaborateur de longue date, Moussa Al Mardood, qui les a tous écrits en une seule séance pendant l'enregistrement. Le travail du claviériste Hasan Alo brille partout, à garder une couche d'arrangement techno cohérente et complexe pour toutes les chansons, et le mélange rapide de dabke et de baladi sur chaque morceau doit beaucoup à son travail. Chaque chanson pourrait se sentir aussi à l'aise dans un mariage syrien que dans une boîte de nuit de l'est de Londres. Shlon permet à Souleyman de lever le rideau sur sa culture, de montrer son art et pourquoi il est l'un des producteurs les plus recherchés au monde. Groovy stuff !

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Acid Arab - Jdid - Crammed Disc. Avec son nouvel opus sorti en octobre dernier, le groupe joue à fond le dialogue entre les rives Nord, Sud & Est de la Méditerranée (la rive Nord s'étendant, dans le cas présent, aux berges de la Tamise, de la Spree et de l'Hudson...). Acid Arab y emmène son vocabulaire dancefloor en voyage, avec la participation d'invités triés sur le volet. Fondé par les DJs Guido Minisky et Hervé Carvalho, Acid Arab est devenu un véritable groupe avec l'arrivée de Pierrot Casanova, Nicolas Borne et du claviériste algérien Kenzi Bourras. Durant ces trois dernières années, ils se sont produits plus de 260 fois, dans une cinquantaine de pays répartis sur quatre continents (devenant à cette occasion "l'artiste français le plus exporté des années 2017 et 2018", selon les chiffres officiels...). Jdid allie donc la fraicheur à l'hédonisme du propos, la formation ayant orienté la majorité de ses pistes vers une grammaire dancefloor. Entre sable et béton, des warehouses banlieusardes aux sous-sols enfumés d'Oran, c'est une même poussée libertaire qui anime cet album, faisant rimer raï originel, dabke irako-syrien ou chants du Sahel avec la rugosité des machines, et intervenir de nombreux invités. Faire danser les corps n'est pas ici une injonction, mais un appel à leur émancipation. Ce second album parfaitement décomplexé, enrichi par l'expérience de trois années de scène est un creuset chauffé à blanc, dans lequel chacun peut se retrouver en abandonnant ses repères, pour en trouver de nouveaux ?

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Jean-Pierre Simard le 2/12/19

Prince - 1999 Super Deluxe edition - WEA
June Tyson
- Saturnian Queen of the Sun Ra Arkestra - Modern Harmonic
Pere Ubu - The Long Goodbye - Cherry Red Records
Omar Souleyman - Schlon - Mad Decent
Acid Arab
- Jdid - Crammed Disc