L'AUTRE QUOTIDIEN

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“Afterlife”, le EP post mortem de The Comet is Coming

Depuis 2016, on entend partout Shabaka Hutchings et c’est tant mieux. Qu’il s’agisse des Sons of Kemet en passant par Shabaka and the Ancestors, voir ici avec The Comet is Coming, on passe du spiritual à l’afro-caribéen pour finir en électro-jazz funky. Des fois c’est enivrant, et d’autre pas. Mais c’est toujours intéressant. Dernier envoi : “The Afterlife”.

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Mais il y a quelque chose dans la façon dont “The Comet Is Coming” fait dérailler le trio de jazz classique qui le distingue de ses autres projets. En surface, on retrouve les sons cosmiques de Sun Ra, mais il y a quelque chose de brut et de terreux au cœur du propos. The Comet démarre de la palette minimale du trio pour créer quelque chose d'à la fois électrisant et apocalyptique, qui défonce le public des festival, celui du rock comme de l’EDM. Supplément d’âme de l'album Trust in the Lifeforce of the Deep Mystery de cette année, The Afterlife plane au-dessus de la terre brûlée décrite par cet album, ne reproduisant pas le rush de "Summon the Fire", mais explorant en détail les moments les plus sombres du décor. Il est concis, mais montre aussi de quoi est capable le trio en un peu plus de 30 minutes.

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The Afterlife The Comet Is Coming

Alors que Trust in the Lifeforce faisait la part belle à la poétesse Kate Tempest qui vitrioliait le capitalisme en parlant du "sang du passé", le groupe accueille ici Joshua Idehen de retour au bercail. Un Idehen apparu sur le premier album Impulse des Sons of Kemet, comme sur les précédents albums de The Comet et "The Final Days of the Apocalypse". Dès l'ouverture de "All That Matters Is the Moments", Idehen crache ses stances au futur "daydreaming of a world I won't live to see" face à une lente volée de tambours et des oscillations grandissantes. Il y a des lueurs de clarté, sinon d'espoir, lorsqu'il parle de conserver le souvenir des amitiés dans les moments difficiles. Et, bonheur, ça parle au présent

Peu importe le contexte de jazz cosmique ou de science-fiction, Hutchings sait quand il faut chevaucher les vagues soigneusement contrôlées du batteur Max "Betamax" Hallett et du synthétiseur Dan "Danalogue" Leavers et quand il faut se débrouiller seul. Il en profite pour le manifester sur le magnifique "The Softness of the Present"puis, se prélasse dans les accords chauds de Leavers et le rythme de Hallett, ajoutant juste assez de vibrato pour empêcher la pièce de s'égarer dans le downtempo. Au lieu de cela, les chansons dérivent autour du morceau-titre, qui trouve un équilibre habile entre ondes sinusoïdales menaçantes et le genre d'ostinatos gargouillants qu'Alice Coltrane jetterait sur son orgue. Enfin, "The Seven Planetary Heavens" mélange habilement l'air respirable du jazz spirituel avec le ping de la techno pour créer quelque chose qui, au lieu d'atteindre le point de combustion, dégage une lueur radieuse.

Divorcé de l'électronique vacillante et des tambours roulants, le sax de Hutchings n'aurait qu'une sonorité émouvante, comme c'est le cas sur la "Lifeforce" en deux parties. Mais combiné aux arpèges et aux cymbales frémissantes, son timbre s'oriente vers la mélancolie, comme s'il se déplaçait sur la surface d'une planète à la recherche de la vie. Dans la deuxième moitié de la chanson, alors que Hallett brise la transition vers quelque chose de plus exaltant, l’instrument de Hutchings prend suffisamment de vitesse pour que le trio puisse décoller, sans aucun doute vers un autre coin inexploré du cosmos. Le suite prendra-t-elle la forme d’un autre EP ou bien d’un nouvel album ? No one knons. Mais on attend avec impatience.

Sol Famirédo le 24/10/19
The Comet is Coming - The Afterlife - Impulse records