L'AUTRE QUOTIDIEN

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Des volumes marbrés de Konstantin Grcic

Les monolithes en marbre troués, de la série Volumes du designer allemand Konstantin Grcic, ont une présence aussi magnétique qu'intrigante. Avec cette exposition, ce dernier s'éloigne du fonctionnalisme. 

Designer réputé pour son épure et sa rigueur fonctionnelle, avec des pièces de mobilier aussi ciselées que solides, Konstantin Grcic s’installe à la Galerie kreo. En marge de ses habitudes, l’exposition « Volumes » réunit six pièces énigmatiques quant à leurs fonctions. En Bleu de Savoie (marbre aux tons gris bleuté), chacune des pièces, d’un seul bloc, conjugue ainsi formes géométriques et monolithisme. Au sens littéral de ce qui consiste en une seule [mono] pierre [lithos]. Mais chacune d’elle a la particularité d’avoir un trou traversant, en son sein. Un détail intrigant, qui fait référence au lampadaire Arco (1962) des designers milanais Achille et Pier Giacomo Castiglioni. Soit une grande tige arquée, tenue par un bloc de marbre. Bloc troué de façon à pouvoir y passer un manche à balais, pour déplacer la pièce. Élément trivial contrastant avec le précieux du marbre, il aura inspiré la série Volumes.

Moins fonctionnels que le lampadaire Arco, les Volumes de Konstantin Grcic cultivent l’ouverture. Tabourets, consoles, guéridons ? Le Bleu de Savoie est ici taillé dans un seul bloc, sans assemblage. Et plutôt que d’être poli au finissage, il a été sablé pour faire ressortir le grain de la pierre brute. De quoi, presque, donner à ce très luxueux marbre la perfection d’un béton extrêmement fin. Dans 2001, L’Odyssée de l’espace (1968), de Stanley Kubrick, il y a un monolithe énigmatique. Film au design remarquable (avec du mobilier signé Olivier Mourgue, notamment), le monolithe y incarne l’objet qui existe sans fonction définie. Qu’elle soit partiellement oubliée ou irrémédiablement perdue.

Les pièces de Volumes ont ce pouvoir magnétique qui émane des choses osant exister sans avoir de fonction. Soit qu’elles l’aient perdue, soit qu’elles n’en aient jamais eue. Pièces monolithiques à la découpe radicalement orthogonale, les Volumes de Konstantin Grcic absorbent l’attention. Comme des stèles funéraires percées d’un trou, par souci de fonctionnalisme. Ou comme des statues de marbre qui auraient sans doute troublé Leopold von Sacher-Masoch. Du marbre troublant, qui l'eut cru ? 

Pierre Philosophal le 1/06/18

Konstantin Grcic - Volumes -> 10/09/18
Galerie Kreo 31, rue Dauphine 75006 Paris