L'AUTRE QUOTIDIEN

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Panama Al Brown, le boxeur amant de Cocteau relu et enquêté par Alex W. Inker

Panama Al Brown, enfant pauvre panaméen, doué d’une envie de vivre et de briller plus forte que tout s’est hissé au sommet des rings et a brûlé la vie par les deux bouts, entre combats, fêtes et alcool, au coeur des années folles parisiennes, où il fut notamment l’amant de Jean Cocteau. Petit quizz avec l'auteur pour faire le point sur le personnage. 

Alex W. Inker :  J’ai passé près d’un an à faire des recherches sur Al Brown et j’ai voulu mettre le lecteur dans les mêmes conditions, le prendre par la main et lui donner l’impression de mener une enquête. C’est pour cela que j’ai choisi de raconter l’histoire à travers la trajectoire de ce journaliste – écrivant dans des carnets Moleskine, comme moi – qui fouille la vie de ce boxeur admiré de Cocteau. Et emmener le lecteur jusqu’à la parole d’Al Brown, directement tiré de sa dernière interview connue, que je mets ici en scène dans la bouche de son fantôme. Où il dit que Cocteau lui a fait le plus beau des cadeaux, en s’inspirant de lui pour créer un personnage immortel, l’ange noir dans le film Le Sang d’un poète.

Ce personnage, je l’ai aimé. C’était un vrai passionné, qui a tout fait pour vivre dans le monde auquel il voulait appartenir. Il était à la fois un jeune homme extrêmement pauvre qui voulait devenir riche, devenir une star, et un garçon qui constatait qu’il risquait de passer à côté de sa vie s’il ne trouvait pas sa place. Il cherche cette place à Harlem, à Paris. On ne la lui donne pas. Cela le rend très attachant. À cette époque, les noirs étaient à la mode, on dansait avec eux, on leur payait des verres… Mais c’était très superficiel. En plus, on a beaucoup profité de lui, car il prêtait son argent à tout va, sans jamais exiger d’être remboursé. Il n’avait pas peur d’être pauvre, car il l’avait toujours été !

Il quitte le Panama comme champion de boxe, et il est contraint de travailler sur un bateau. Il débarque à Harlem, avec d’autres latinos et noirs, il a beau être champion du Panama, il n’est personne. Et Harlem reste un ghetto. On l’empêche de combattre un blanc pour enfin devenir champion du monde. Alors, quand enfin il se trouve un endroit qui lui correspond, avec des gens qui semblent l’apprécier, il en profite à fond. Il ne pense pas au lendemain. Car qui voudrait vivre une retraite paisible après ces années de faste ?

Je me suis servi de nombreuses photos d’agence de l’époque. On y découvre des rings très éclairés au milieu d’une salle pleine de fumée. On voit les traces de sang sur le sol et les muscles des boxeurs bien dessinés : on dirait un combat de gladiateurs. La boxe est un sport très graphique. Si j’avais eu le temps, je me serait inscrit dans une salle pour m’y frotter! Apache était une BD « théâtrale », un huis clos. Même si j’ai repris le même style, en noir et blanc avec hachures et trames, là, j’étais obligé de dessiner la ville, Harlem notamment. J’ai regardé beaucoup de photos, de Gordon Parks par exemple, et j’ai pris le temps de dessiner des décors, pour que le lecteur puisse s’immerger dans mon histoire. Je reproduis aussi des paroles de chanson, toujours dans un objectif d’immersion. J’ai toujours l’espoir que le lecteur reconnaisse quelque chose ou du moins qu’il ait envie d’aller chercher par lui-même. Plus qu’une biographie, je me suis lancé dans le portrait d’une époque, je n’avais presque pas assez de 150 pages !

On attend le prochain avec impatience car, côté septième art, c'est du brutal ! 

Edward Monch le 25/05/18 avec Bodoï 

Panama Al Brown par Alex W. Inker, éditions Sarbacane