Retour bruitiste du Persepolis de Iannis Xenakis
Si l'histoire officielle de la musique n'a pas retenu le Persepolis de Xenakis parmi ses œuvres les plus marquantes, il n'en va pas de même du côté de la musique électronique où 48 ans après sa création, elle fait encore des vagues et reste un modèle.
Réfugié politique en 1947 en raison de son appartenance au Parti communiste grec, Iannis Xenakis travaille comme ingénieur pour Le Corbusier et conçoit une grande partie du couvent de la Tourette en 1957, ainsi que le pavillon Philips de l'exposition universelle de 1958. Il collabore dès 1950, avec l'ingénieur Bernard Lafaille, à la conception de la structure de l'Unité d'habitation de Rezé-les-Nantes, inventant de grands voiles porteurs verticaux reposant sur des pilotis en quinconce.
Architecte et ingénieur, il est aussi un musicien soutenu par Olivier Messiaen qui poursuit parallèlement ses recherches musicales et parvient en l’espace de quelques années, à synthétiser musique, architecture et mathématiques afin de créer une musique nouvelle constituée de masses sonores construites grâce aux mathématiques ( Métastasis en 1954) en est l’œuvre emblématique. Il réalise également les Polytopes, spectacles de sons et de lumières qui marqueront son époque (Montréal, Persépolis, Cluny, Diatope…). Avec plus de 150 partitions, l’œuvre demeure monumentale. Plus de quinze ans après la disparition de Iannis Xenakis, le monde musical est loin d’avoir fini d’évaluer l’importance de son héritage.
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Il s'intéresse aussi pour la musique acoustique à une nouvelle spatialisation, avant Stockhausen, en plaçant les musiciens de manière inhabituelle, parmi le public, par exemple, ou réitérant des procédures antiques autour ou à distance du public. Nombre de ces expériences ont fait preuve de leur efficacité, le plus souvent à leur époque, comme au Festival de Royan dont il fut l'un des plus brillants habitués.
Iannis Xenakis réussit, en utilisant des procédures qui auraient pu faire de ses œuvres des productions totalement déshumanisées, ce tour de force de proposer une musique le plus souvent très lyrique et souvent aussi extrêmement émouvante. Nuits, L'Orestie et ses toutes dernières œuvres sont assez proches, curieusement, dans leur simplicité volontaire, de l'esprit des dernières œuvres de Liszt. Mais c'est aussi du côté de l'émotion qu'il a inspiré nombre créateurs electro qui se sont emparés de son œuvre pour la remixer, au plus près du son original pour ne pas défaire l'alchimie de départ.
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Alors, qu'en est-il en 2018 de son Persepolis, commandé en 1971 par Mohamed Reza Pahlavi, shah d'Iran ? C'est la partie audio d'une performance multimédia (un polytope selon Xenakis) qui comprenait aussi, lors de son interprétation à Shiraz-Persepolis, des lasers, des projecteurs, et des groupes d'enfants défilant avec des torches au milieu des spectateurs, pendant que 59 haut-parleurs diffusaient la musique sur bande en plein air. Enregistré au studio Acusti à Paris en huit piste analogique, l'œuvre était sortie en 1972 et en stéréo, sur le label de Philips series “Prospective du XXIe Siècle” in 1972, avec comme sous-titre "Nous portons la lueur de la terre."
C'est aussi l'œuvre la plus longue de son créateur, à près d'une heure d'écoute, qui fait dans le big bang, pas sonique, mais celui de la création des mondes. Pas pour rien qu'il soit là pour témoigner de l'Empire Perse en son fief de Shiraz… avec un shah d'Iran au sommet de son pouvoir tyrannique et dictatorial. Un classique qui n'a rien perdu de ses fulgurances ni de sa maestria orchestrale ( sans casque - oubliez !) Soit donc quasi une heure de chaos à l'œuvre. Et c'est palpitant, pour le moins - et pour de vrai !
Jean-Pierre Simard le 7/03/18
Iannis Xenakis - Persepolis - Perhiel Series