L'AUTRE QUOTIDIEN

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Le Palimpseste du jour de Sylvain Daniel à Montreuil avec Théo Parrish

La Marbrerie sera ce soir à l'image de la ville qu'elle accueille, un parfait décor post-industriel pour la vision qu'en offre le jazz post-contemporain de Sylvain Daniel et la deep house d'un enfant de la ville, monsieur Theo Parrish de Detroit. 

YVES MARCHAND & ROMAIN MEFFRE/ THE RUINS OF DETROIT Biology classroom, Cass Technical High School, Detroit, USA, 2008

Pour Theo Parrish, rien que de plus normal que de venir représenter son lieu d'origine pour un set de 3 heures, dans ce lieu montreuillois à l'esprit ouvert, au décor de béton brut (et à la programmation pointue). Mais pour Sylvain Daniel, dans le cadre de Banlieues Bleues, c'est la découverte du fameux livre d'Yves Marchand et Romain Meffre, intitulé Ruins of Detroit, un bouquin de photo de passionnés qui ont figé les ruines de la ville de l'automobile depuis le désastre des émeutes de 1967, entre 2005 et 2010 qui a servi de déclencheur ultime.
Cela a donné un spectacle multimédia en 2016. Le bassiste tout terrain Sylvain Daniel n’est jamais allé à Detroit. Mais depuis toujours, il est bercé par la musique de  la Motor City, de la soul de la Motown au hip-hop de Jay Dee, en passant par l’électro minimaliste de Juan Atkins. C’est en découvrant le livre des jeunes photographes français qu’il fait le lien entre les origines de tous ces artistes et réalise l’influence qu’a eue cette ville sur sa culture musicale, sans la connaître. Ainsi naît Palimpseste, une invitation à une immersion dans un Detroit fantasmé dont l’art transpire encore des multiples couches des murs abandonnés, comme un parchemin qu’il faudrait gratter pour qu’il nous livre son histoire.

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La production de l’album est directement inspirée de l’héritage musical de la ville, avec ses superpositions des timbres et grooves accidentés, à la manière de J Dilla (Hôtel Fantastic, Game On), sonorités sombres et répétitives rappelant l’univers robotisé de la ville et l’émergence de la techno (FisherBody Party, PsychoFact), ballades spirituelles enregistrées live dans l’esprit de la Motown (Les Colchiques, School Song)… On y retrouve des clins d’œil à Slum Village ou CybotronChaque morceau nous plonge dans une sorte de rêverie où la ville nous raconte son histoire, livre son énergie et laisse place à l’imagination, guidés par la musique composée par Sylvain Daniel.

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FisherBody Party Sylvain Daniel

Pour cet album, Sylvain Daniel  s’est entouré notamment d’artistes actifs de la scène indépendante rock et électro : l’ingénieur du son et producteur Frédéric Soulard (Maestro, Joakim, Jeanne Added), le saxophoniste Laurent Bardainne (Poni Hoax, Limousine, Samantha et Sabrina) et deux musiciens “tout terrain”, Manuel Peskine aux claviers et Mathieu Penot à la batterie. Avec un son résolument électrique, des instruments trafiqués, des traitements sonores radicaux dès la prise de son, il en résulte un disque furieusement “urbain” aux couleurs très marquées. En composant le répertoire, le bassiste a souvent pensé à la citation de Derrick May décrivant la techno de Detroit : “Notre musique, c’est la rencontre dans un même ascenseur de George Clinton et de Kraftwerk. Elle est à l’image de Detroit : une totale erreur.”

Sauf que l'album fonctionne au-delà du projet et a enthousiasmé, depuis le mois dernier, aussi bien la planète jazz que les autres… Du jazz pour ceux qui n'aiment pas ça, en gros. Une vraie belle réussite qui fait aimer les erreurs dont parle Derrick May- une musique urbaine et charnelle qui fait des looping en oubliant les poncifs de l'histoire du jazz cravaté pour retrouver une autre énergie aussi sauvage que ruinée - un compliment dans ce cas précis. 

Sylvain Daniel Palimpseste Voyage imaginaire dans les ruines de Detroit ONJ Records JF006 / L’Autre Distribution

YVES MARCHAND & ROMAIN MEFFRE/ THE RUINS OF DETROIT  Detroit Railway and Harbor Terminals, Detroit, USA, 2005-2010

La seconde partie de soirée sera un set de 3 heures à ne pas manquer, avec Theo Parrish, pilier de la deep house "made in Detroit" pour un abrégé de Great Black Music. Légende des musiques électroniques, Theo Parrish n'a pas bâti sa réputation dans n'importe quelle branche de la techno, mais dans celle qui s'inscrit presque naturellement dans l'histoire de la Great Black Music : la deep house née dans le Michigan entre Detroit et Chicago. Compositeur qui a étudié dans sa jeunesse le phénomène des sculptures sonores et fondateur de l'influent label Sound Signature, l'homme est aussi et surtout un DJ-conteur dont les mixes entêtants et soulful font transpirer tout aussi bien les corps que les consciences. Petit exemple de set qui décoiffe les raies trop bien lissées …

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Et malgré l'embarras du choix des concerts du jour - c'est à celui-ci qu'on ira, une des affiches les plus balaises du festival. 

Jean-Pierre Simard le 3/04/18

Sylvain Daniel et Theo Parrish 

 A Night In Detroit Sylvain Daniel Palimpseste et Theo Parrish 20,30h  
La marbrerie, 21, rue Alexis Lepere, 93100 Montreuil