L'AUTRE QUOTIDIEN

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Dictionnaire amoureux (pour découvrir) du jazz de Patrice Blanc-Francard

Biberonné à la fin des années 50 par Daniel Filipacchi et Frank Ténot au son de Pour ceux qui aiment le Jazz, Patrice Blanc-Francard n'a jamais lâché l'affaire. Et passé d'ingénieur son de José Arthur à animateur, puis producteur radio et télé et directeur des programmes d'Europe 1, il a toujours su, sans fioritures, éveiller l'intérêt pour toutes les musiques dont il parlait. Le passeur de rock, musiques antillaises et autres revient sur ses premières amours. Ca donne le Dictionnaire amoureux du jazz, chez Plon. 

Kind of Blue : Miles Davis, Cannonball Adderley et John Coltrane 

Et lorsque, vers dix heures du soir, retentissaient dans le transistor les premiers roulements de caisse claire du « Blues March » de Art Blakey et ses Jazz Messengers – l’un des plus mémorables indicatifs d’une émission qui en adopta tant, et de si fameux –, une dimension miraculeuse s’ouvrait alors à moi : la soudaine révélation de la beauté, plaisir presque indicible, puis, sésame pour le jardin des merveilles, la découverte et le partage d’une langue nouvelle, fascinante et magnifique, une clé magique qui vous donnait pour toujours accès aux portes du monde secret de l’art.

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Soprano et ténor, clarinette et piano tous joués par Sidney Béchet sur Sheik of Araby

Blanc-Francard a toujours été curieux et a fréquenté les clubs, les petites comme les grandes salles de concerts à Paris ou à New York, collectionné les vinyles et rencontré beaucoup de musiciens dont certains sont encore ses amis, comme Jacques Schwarz-Bart. Toute cette culture, PBF la transmet avec sa fibre personnelle et des petites anecdotes qui en font le sel, de la petite à la grande histoire du jazz. L'ouvrage passe en revue, de A comme Adderley (Julian), Armstrong, Ayler ou encore Atlantic à Z comme Zawinul , interprètes, lieux et labels. Au gré des soixante-cinq entrées, le lecteur retrouvera les géants (Ellington, Parker, Monk, Davis, Mingus, Evans, Holiday, Reinhardt…), mais aussi les singularités et les exceptions qui ont navigué à vue comme Roland Kirk (l’homme-orchestre), Jacques Schwarz-Bart (le mariage jazz-gwoka) ou même Jimi Hendrix (l’esprit du blues).

A propos de Roland Kirk : " Si Lewis Carroll avait pu connaître le jazz, je suis sûr qu’il n’aurait pas hésité à faire de Roland Kirk l’un des personnages principaux d’Alice au pays de merveilles ! Entre le Lapin blanc agrippé à sa montre à gousset, le Chat du Cheshire et son dangereux sourire, l’éternelle tea party du Chapelier fou ou la Chenille perdue dans ses rêves de hookah, l’homme‐orchestre de Columbus, Ohio, n’aurait pas déparé cette galerie de furieux à la recherche du sens – ou du son – perdu.

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Son éditeur lui ayant donné deux ans pour réaliser l'ouvrage, Blanc-Francard a ausculté sa discothèque, est parti sur l'idée de 250 entrées, pour finalement se limiter à 65 et avouer ensuite qu'il se mord les doigts aujourd'hui de n'avoir pu inclure ni Michel Petrucciani, ni Archie Shepp… On le comprend, et  d'ailleurs : 

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Blanc-Francard déclarait dernièrement au Figaro : " Avant d'écrire ce livre, je pensais connaître le sujet. En réalité, j'en effleurais la surface… J'ai abordé la musique à 360° et observé les choses en profondeur. Malheureusement, je n'ai  pas eu beaucoup de place pour raconter ce qui se passe aujourd'hui. Mais ce travail m'a rendu encore plus avide de connaître et rencontrer de nouvelles musiques (comme le Grand Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamps?) J'ai aussi écrit pour mes fils. Comme tous les trentenaires, ils écoutent des sons, sans pour autant savoir d'où ils viennent. J'ai eu envie de les éclairer… "  

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Blanc-Francard, en nous promenant dans son jardin secret, fait grave le job. Son dictionnaire est à ranger dans la bibliothèque aux côtés du monumental  Dictionnaire du Jazz de Carles-Clergeat-Comolli (Bouquins-Robert Laffont). On pourrait même croire qu'il a été conçu pour être lu en ligne, tant les références  (disques, vidéos, livres) font directement cliquer sur YouTube pour en savoir/en écouter plus. C'est malin et intelligent. Et surtout passionné.
So What ? 

Jean-Pierre Simard le 29/03/18

Dictionnaire amoureux du jazz de Patrice Blanc-Francard éditions Plon