L'AUTRE QUOTIDIEN

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On : la Cappadoce psyché et hollandaise d'Altin Gün

Qu'est-ce qui fait qu'on continue à adorer le rock psyché turc en 2018, et Altin Gün, en particulier? On va dire que, comme pour la musique éthiopienne, c'est la distance créée entre le son usuel du rock allemand et la délivrance actuelle qui, repartant des classiques du genre, l'adapte avec un son actualisé. Mais pas que. On s'explique.  

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On doit la naissance du rock anatolien au principal quotidien turc Hürriyet qui a commencé à organiser dans les années 60 un concours amateur dont la spécificité fut d'encourager les participants à jouer avec des instruments occidentaux (guitare, batterie, basse), mais de présenter des textes en turc. Cet Altin Mikrofon (Microphone d'Or) verra l'émergence de nombre talents turcs jusqu'à la fin des années 1970 et rendra le rock psychédélique très populaire à travers le pays jusqu'à ce qu'il soit remplacé par le métal à la fin des années 1980. Les plus grandes figures en ont été Cem Karaca, Barış Manço, Erkin Koray (Elektronik Türküler), Fikret Kızılok, Murat Ses ou le groupe Moğollar.

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On, premier album d'Altin Gün offre ainsi de nouvelles couleurs au rock anatolien en passant par un subtil (et toujours groovy) mélange de folk, psychedelia, funk et rock. Le groupe a été fondé par des Hollandais, comme le bassiste Jasper Verhulst (du Jacco Gardner's band), fondu des sons des Selda, Baris Manço et Erkin Koray. Avec le guitariste Ben Rider, le batteur Nic Mauskovic (du Mauskovic Dance Band) et le percussionniste de Jungle By Night, Gino Groeneveld, ils se sont adjoint deux musiciens turcs une chanteuse-claviériste et un joueur de saz électrique : Merve Dasdemir et Erdinc Yildiz Ecevit. Ensemble, ils rejouent à leur manière, avec des reprises ou leurs propres compositions, le répertoire anatolien, pour un public d'aujourd'hui avide de l'évidence de ce son dansant et festif. 

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Mais ce qui accroche le plus avec Altin Gün, c'est la combinaison des éléments mis en place, héritage direct du psychédélisme des guitares californiennes et allemandes, (première terre d'exils des Turcs depuis un bon demi siècle) avec des sonorités électroniques et des arrangements actuels tirant sur la world, soutenus par des vocaux bien souvent noyés dans l'écho. Sur scène, c'est vraiment imparable, le groupe se transformant, au fil des titres, en une imparable machine à groove qui fonctionne à plein tubes sur on mode oriental qui ne laisse personne indifférent. Le bouche à oreille des réseaux ayant fonctionné à plein, leur concert de Banlieues Bleues était complet quelques jours après le début des réservations, avec en première partie les expériences disco-spatiales du groupe du batteur, le Mauskovic Dance Band, dont voici un extrait live bien barré.  

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Danser ailleurs ou danser d'ailleurs, that is ze question … Mais, après le succès d'Acid Arab, ces dernières années, on sent bien l'envie d'évasion qui pointe là. Même si l'ailleurs est fantasmé, il a au moins le mérite d'exister, quand il ne nous reste que des rêves pour danser sur les décombres. Alors dansons pour oublier le boucher Erdogan.

Jean-Pierre Simard le 30/03/18 

On Altin Gü - Bongo Joe Records