l'éthio-soul de Taitu, un voyage à rebours dans le temps d'Addis
En attendant le retour scénique des stars éthiopiennes à Banlieues Bleues, le mois prochain, un collectionneur libanais a sorti une compile de 25 titres s'attachant à la scène éthio-soul - C'est Taitu, et c'est tout bonnement sublime. On décode…
Si depuis 20 ans, la collection Éthiopiques nous a permis de découvrir les trésors discographiques éthiopiens à coup de rééditions classieuses (toutes trouvables sur le label Buda Musique et Crammed Disc) , l’ex-empire du Négus n'a pas fini de dévoiler son immense patrimoine musical comme nous le prouve cette compilation Ernesto Chahoud presents Taitu: Soul-Fuelled Stompers from 1960s- 1970s Ethiopia éditée par le label BBE. Ici c'est le collectionneur et DJ libanais Ernesto Chahoud qui a retenu des 45 tours orientés éthio-soul, nous plongeant dans l'atmosphère torride des clubs d’Addis-Abeba de cet âge d’or du son éthiopien.
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Malgré l'isolement du pays, les artistes majeurs du Swinging Addis (la scène éthio-jazz d’Addis-Abeba), influencés par le jazz, le funk, la soul ou le boogaloo, boostaient leurs musiques avec l'énergie du R&B et du rock and roll, le tout dans un cocktail unique ou régnaient des mélodies dirigées par les cuivres, des chants amhariques et des claviers au groove oriental. Ce qui faisait dire, dans un premier temps, aux oreilles d'ici, qu'on y trouvait comme un croisement de musique indienne avec l'énergie de James Brown (pour Mahmoud Ahmed).
Le digger Beyrouthin, aussi patron de Darsko Records, a sélectionné 25 titres introuvables de sa collection réunissant des grands noms de cette scène comme l’incontournable parrain de l'éthio-jazz Mulatu Astatke sur l'étourdissant Emnete ou Alèmayèhu Eshèté, grande voix d'Addis-Abeba qui fonda le Alèm-Girma Band avec Girma Bèyènè et qui a sorti une trentaine de 45t avant de fuir en 1974 l'arrivée de Mengistu Haile Mariam. Parmi ces perles gravées dans des studios rudimentaires où les groupes devaient se partager une poignée de micros, on trouve aussi le chant bluesy mélancolique de Hirut Bekele sur Ewnetegna Feker ou la soul de Bizunesh Bekele, le funk de Selomon Shibeshi et des artistes méconnus tels que Merawi Yohannis et Birkineh Wurga.
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Et, comme un bonheur n'arrive jamais seul, on vous signale aussi le boulot effectué par le label Awesome Tapes of Africa qui ressort le back catalogue de Hailu Mergia, ainsi que son premier album depuis 15 ans, après avoir vécu longtemps à Washington DC, comme gérant de club, puis chauffeur de taxi… Redécouvert en 2013 grâce au label Awesome Tapes From Africa qui réédite ses œuvres, dont il ne reste alors que quelques rares exemplaires dans le monde, au format cassette. Ainsi, les trésors enfouis Hailu Mergia And His Classical Instrument (1985), Tche Belew (1977) puis Wede Harer Guzo (1978) seront déterrés et offrent à Hailu une deuxième vie artistique. Plus de quinze ans après un dernier essai discographique, le musicien, aujourd'hui âgé de 71 ans, sortira son nouvel album Lala Belu le 23 février sur le label américain.
Je ne saurais trop vous conseiller d'aller à Banlieues Bleues ( programmation époustouflante à venir - on en reparle) voir les éthiopiens au programme en action, parce que tout simplement cette musique est née dans les clubs - et que la vision d'un concert de Mahmoud Ahmed, il y a longtemps, a simplement changé ma façon d'entendre la musique. C'est clair ?
Jean-Pierre Simard le 24/02/18
Ernesto Chahoud presents Taitu: Soul-Fuelled Stompers from 1960s- 1970s Ethiopia - BBE Records