L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

La Divine Violence de Broomberg & Chanarin à Beaubourg

Divine Violence est composée de 57 cadres, correspondant chacun à un livre de la Bible, et rassemblant les 724 feuillets de l’ouvrage qui met en relation la violence manifeste exprimée dans la Bible avec celle des images du monde aujourd’hui.

Broomberg & chanarin, Divine Violence, Genesis, 2013Ensemble de 57 cadres contenant 724 feuillets, Épreuve à jet d’encre pour les éléments texte et image© Broomberg & Chanarin, Adagp 2018 © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP

Dans la Galerie de photographies, le Centre Pompidou présente pour la première fois une pièce monumentale des artistes Adam Broomberg et Oliver Chanarin, Divine Violence, récemment entrée dans la collection. La violence et son questionnement sont au centre de la démarche artistique de ce duo d’origine sud-africaine, qui fête en 2018, vingt ans de coopération.

Broomberg & chanarin, Divine Violence, Genesis, 2013Ensemble de 57 cadres contenant 724 feuillets, Épreuve à jet d’encre pour les éléments texte et image© Broomberg & Chanarin, Adagp 2018 © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP

Pour réaliser cette série, les deux artistes se sont inspirés de la Bible personnelle de Bertolt Brecht — qu’il annota et illustra d’images découpées dans la presse pendant la seconde guerre mondiale. Ils reprennent ainsi pour leur part la Bible du roi Jacques, dite aussi King James Version (1611), qu’ils illustrent chapitre par chapitre, sans explication ni commentaire, en collant des impressions de photographies issues de l’Archive of Modern Conflict. Cette collection privée qui rassemble des dizaines de milliers d’images vernaculaires, de presse ou amateur, est sans aucun doute la collection photographique qui a le plus abondamment archivé la violence et l’absurdité de la guerre. Sur chaque page de texte le duo souligne en rouge un passage en correspondance avec l’image choisie. Par ce procédé dépouillé, d’une implacable efficacité, Broomberg et Chanarin confrontent le texte saint aux photographies anonymes de l’Archive of Modern Conflict et mettent ainsi en évidence les icônes et les stéréotypes visuels de la violence.

Adam Broomberg (né en 1970, Johannesburg, Afrique du Sud) et Oliver Chanarin (né en 1971, Londres, Royaume-Uni) sont des artistes qui vivent et travaillent entre Londres et Berlin. Ils sont professeurs de photographie à la Hochschule für bildende Künste (HFBK) à Hambourg, en Allemagne. Ensemble, ils ont eu de nombreuses expositions personnelles, dont le Hasselblad Center (2017). Leurs œuvres sont conservées dans de grandes collections publiques et privées.

Broomberg & Chanarin, Divine Violence — Genesis, 2013Ensemble de 57 cadres contenant 724 feuillets, Épreuve à jet d’encre pour les éléments texte et image© Broomberg & Chanarin, Adagp 2018 © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP

Par l’ampleur du sujet (la Bible) et la radicalité de la méthode, Divine violence est l’opus magnum de ces deux « artistes-éditeurs ». L’exposition dévoile également les sources d’inspiration d’Adam Broomberg et d’Oliver Chanarin : livres éducatifs et de propagande, illustrés de photographies qui dénoncent, ou au contraire glorifient, la violence. Parmi ces ouvrages des années 1920 et 1930 se trouvent les travaux de penseurs qui mettent tous à contribution le montage et la photographie pour appuyer et diffuser leur idéologie, quelle soit conservatrice ou progressiste.

En remontant à Brecht et sa bible, Broomberg et Chanarin retrouvent les réflexes anti-fascistes et anti-staliniens d'une époque qui trafiquait attitudes et poses pour faire disparaître les malvenus du moment. Le règne du fake ne date pas d'hier, mais alors cela s'appelait de la propagande… Pensez-y ! 

Félix Guétary le 20/02/18
Broomberg & Chanarin Divine Violence 21/02 -> 21/05/18

Centre Pompidou - Galerie des photographes  Place Georges Pompidou 75004 Paris