Toujours sur le métier tu remettras ta BD jusqu'au moment où les poncifs politiques s'envoleront comme les bulles de savon qu'elles savent être. Un exercice particulièrement réussi chez Liv Strömquist avec son Grandeur et décadence.

Et si les PDG des grandes entreprises étaient les nouveaux Dalaï Lama ? Mais si ! Car la pleine conscience et la pensée positive, c’est avant tout vivre dans l’instant présent, sans se soucier de considérations matérielles… alors à quoi bon se préoccuper du réchauffement climatique, ou du creusement des inégalités ?

Après les relations de couple (Les Sentiments du Prince Charles) et le sexe féminin (L’Origine du monde), Liv Strömquist s’attaque ici au néolibéralisme et à ses terrifiantes dérives. Comme à son habitude, la Suédoise n’y va pas de main morte, et le cynisme reste son arme de prédilection pour jongler intelligemment entre auteurs et concepts sociologiques et ainsi appuyer son argumentation.

L’album est découpé en six chapitres thématiques, qui viennent pallier son côté très bavard en permettant aux lecteurs de souffler entre les doubles pages surchargées de texte. Le style fait volontairement fouilli et décalé, et alterne collages bigarrés, photographies, encrés en noir et blanc et dessins aux couleurs pop.

Manifeste enflammé, grinçant et bourré d’humour, Grandeur et décadence prend soin de mettre chacun, y compris le lecteur convaincu, face à ses responsabilités. En plein dans le mille !

Grandeur et décadence, Liv Strömquist, Rackham éditions, coll. Le Signe noir