L'AUTRE QUOTIDIEN

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Au bonheur du bug : la Digi-Poésie nous envahit petit à petit

Les artistes de Digi-Poésie exposés à Under Construction Gallery donnent aux bugs, aux accidents, au hasard et aux aléas un pouvoir esthétisant.

En complète rupture avec les fondements mêmes de la culture numérique et de ses origines liées aux combinaisons binaires et aux codes, ils se réapproprient la matière numérique pour en exploiter les autres potentialités.

Tondo #1 - Benjamin Renoux 

Accessibilité, connectivité, Big data, 4K, intelligence artificielle… la culture numérique s’impose dans nos demeures, nos voitures, notre électroménager. En trois décennies, nous avons su dompter sa complexité technologique et apprendre son vocabulaire qui tend à quitter le champ lexical de la programmation pour devenir anthropomorphique, se rapprochant de la psychologie comportementale et des sciences cognitives. Nous avons accepté ce futur où nous serons suppléés par un alter ego humanoïde doué de cette capacité à nous imiter, d’abord dans l’analyse, dans les gestes, dans les attitudes, et à présent dans la reconnaissance, la réflexion, l’anticipation.
L’avènement de l’ère du post digital signifie que la culture numérique a acquis son autonomie. Une indépendance qui l’a libéré de son statut d’outil lui permettant de devenir un moyen d’expression artistique capable de transmettre des idées et des émotions au même titre que la peinture, la photographie ou la gravure. Un passage au statut de médium et par conséquent d’œuvre d’art qui l’éloigne de la culture geek qui l’a fait émerger et de cet émerveillement pour sa propre technologie.

Haythem Zakaria : Nûn, 2015 - installation immersive, quadriphonie | Crédit photo : City Sonic

Les artistes donnent aux bugs, aux accidents, au hasard et aux aléas un pouvoir esthétisant. En complète rupture avec les fondements mêmes de la culture numérique et de ses origines liées aux combinaisons binaires et aux codes, ils se réapproprient la matière numérique pour en exploiter les potentialités. Ils usent de ses capacités logicielles, s’amusent de ces territoires virtuels qui parlent de nos réalités, répondent à nos questionnements. L’art numérique n’est plus généré pour lui-même, autocentré, il engage alors une communication avec le spectateur, directe, nécessaire, et s’appuie sur des paradoxes qu’il est à même de mettre en images. Il nous donne par anticipation la représentation d’une réalité éloignée dans l’espace et le temps, d’un futur probable sur lequel nous réagissons.

Mathieu Merlet-Briand, We live on a planet #earth, 2017Multimédia

Le numérique crée de nouveaux supports de monstration (réseaux sociaux, jeux, espaces virtuels), des environnements immersifs qui interagissent avec les visiteurs, répondent à leurs sollicitations et engagent avec eux un échange individualisé.

Sont rassemblés ici des artistes (une seule femme, c'est peu !) exploitant de manières très différentes les ressources du numérique. Une diversité qui met en évidence les leviers qu’ils utilisent pour susciter chez le spectateur une adhésion émotionnelle et réflexive. Sans perdre ses propriétés innovantes ou surprenantes, le numérique se fait porteur d’un discours empreint de poésie. À la croisée de la technologie, de la science et de l’imagination créative, il se dote d’une dimension artistique idiosyncrasique .v Il était temps de le reconnaître, surtout de tels lieux … 

Félix Guétary le 30/01/18

Expo collective Digi-Poésie → 24/02/18
avec Lionel Bayol-Thémines, Stéphane Blumer, Julien Levesque, Mathieu Merlet-Briand, Benjamin Renoux, Haythem Zakaria et Pauline Dufour
Under Construction  Gallery  6, passage des Gravilliers  75003 Paris