L'AUTRE QUOTIDIEN

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Les anomalies belles et animales de Céline Guichard

Des bêtes humaines à poil long et des êtres humains hirsutes à poil tout court. Le bestiaire de Céline Guichard, inventorie les freaks adorés, dans une vision aussi aussi terrifiante que fascinante, on découvre les Riot Girls Maya McCallum, A.V.D. Linden et Nadia Valentine. 

On peut tourner de l’oeil, ou tourner l’oeil pour mieux voir. On peut fixer l’attention, droit dans les yeux de ces yeux. On peut fuir cette vision qui transperce. Des objets transperçants, il y en a dans les portraits au fusain de l’artiste angoumoisine qui exposent, sa série « Dans les hautes herbes » à la Art Factory parmi les Riot Girls.

Elle fait de l’anormalité, un « motif » de la normalité. Elle fait de ces curiosités, un terreau pour la nôtre. Difficile de ne pas être envouté par l’apparition d’un quadrupède à l’érection vaillante et jaillissante.

Fascination disais-je et impudeur. Ces animaux « anormaux » n’ont pas de gêne. Ils sont ce qu’ils sont et l’artiste dans sa monstration, nous ramène aux origines des monstres. On les montre, puisque on aime à les regarder. A moins que ce soit eux qui nous regardent, et nous les monstres.

Le dessin rend l’anatomie des créatures qui semblent à l’abri dans des clairières couchées, entourées des autres herbes restées érigées. On ne sait plus si la végétation velue a donnée naissance à ces êtres hybrides ou le contraire. Elles sont sexuées et s’adonnent à l’onanisme avec tout ce qui peuvent leur tomber sous les mains. Pourtant, le trait anatomique tonique n’est pas là seulement pour provoquer et titiller nos instincts de voyeur, il suscite un questionnement sur la féminité, la masculinité, la part d’animalité, sur cette nature toujours plus réprimée au nom de la bienséance, d’une culture, d’une religion ou pire, d’une mode.

Peuple des graminées ou peuple des rêves, les êtres prennent vie un peu malgré eux, en dépit d’une beauté ultra normée, en marge, enfouie, cachée, mais enfin visible.

Leur tristesse et leur douleur prennent leurs origines dans notre incapacité à accepter les différences, à les trouver belles, parce que porteuses d’une diversité d’existences, d’altérités et donc d’humanité. Céline Guichard secoue les normes, entre dégoût et des goûts, puisqu’ils sont tous dans la nature, ils pourraient bien être dans la nôtre.

Richard Maniere le 8/09/17
 

Dans les hautes herbes de Céline Guichard
Arts Factory, 27 rue de Charonne, 75011 Paris