Faire se rejoindre et déployer des nouvelles sonorités en jouant sur plusieurs tableaux musicaux et approches culturelles est le bonheur atteint par cet album assez remarquable. Ladilikan, nouvel album du Trio Da Kali avec le Kronos Quartet, réalise un échange que les deux groupes considèrent comme une des meilleures collaborations jamais tentées par eux. A raison.

Il y avait la gageure de faire sonner le Trio Da Kali, représentant de la musique usuelle des griots malien avec balafon, luth basse et voix féminine par le biais du quatuor à cordes, sans en trahir l'esprit et en lui rendant ses lettres de noblesse, remontant à l'Empire Mandingue de Sounjata Keita du XIIIe siècle.

De l'autre côté, il ya le très aventureux Kronos Quartet qui s'est fait les dents sur une soixantaine d'albums depuis le milieu des années 80, allant sans sourciller de Piazzola à Terry Riley, en passant par Glass, Reich, voire Amon Tobin… Un genre, à lui seul, de groupe casse-cou qui fait exploser les frontières pour toujours mieux actualiser le son. David Harrington, fondateur et directeur artistique du Kronos, pense qu'il est devant un des sommets de sa carrière et que cet album approche la perfection. On ne le contredira pas, quand Fodé Lassana Diabaté, directeur musical du Trio DA Kali concède … à l'écoute des premiers enregistrements que " Cet album va être la meilleure collaboration de toute sa carrière." A l'écoute de Eh Ya Ye, on le comprend.

Da Kali signifiant faire un serment, le trio a pour but ultime de faire vivre et transmettre la musique des griots dans sa forme primitive, qui ne recueille qu'un maigre succès dans le Mali actuel, d'où l'idée de cette collaboration aussi inédite que trouante qui joue les rencontres croisées et réussies avec un bel aplomb. 

Réunis par Lucy Duran de l'Aga Khan Music Initiative (AKMI), les trois Da Kali sont le super groupe griot actuel, le joueur de balafon Diabaté  a longtemps fait partie du Symmetric Orchestra de Toumani Diabate et a enregistré avec Salif Keita et Taj Mahal, avant d'autres. Mamadou Kouyaté, le joueur de basse ngoni est l'aîné des fils de Bassekou Kouyaté, chargé de tenir le groove dans l'orchestre de son père, tout en faisant partie de la scène hip hop de Bamako. Et enfin, la chanteuse Hawa ‘Kassé Mady’ Diabate est la fille de la plus grande chanteuses traditionnelle du of Mali, Kassé Mady Diabate; avec une voix d'unetelle puissance qu'on la compare souvent à Mahalia Jackson. 

Le Kronos Quartet, avec ses deux violonistes Harrington et John Sherba, son violon alto Hank Dutt et le violoncelle de Sunny Yang, s'est adjoint les services d'un fréquent collaborateur, le compositeur américain Jacob Garchik pour réarranger le répertoire arrange du trio mandingue. En combinant exploration aventureuse du répertoire et réécriture pour cordes, le résultat offre une totale nouvelle approche et même temps qu'il donne une nouvelle voix à un répertoire immémorial.

Et c'est bien sûr un ravissement que de ne plus savoir qui sonne comme un instrument traditionnel ou un instrument à cordes européen. Mais le son est là qui va vous épater par sa nouveauté, puis vous séduire et enfin vous convaincre. Cela d'un même élan et dans un même mouvement. Carrément top !  

Marcel Nietzsche le 20/09/17

Ladilakan - Trio Da Kali et le Kronos Quartet - World Circuit