Plug & Pray : un pas de deux à quatre mains
On devait bien se douter que la rencontre des deux claviers Benoît Delbecq et Jozef Dumoulin ne ressemblerait à rien de connu. Alors, pour comprendre, on est parti en quête de références, d'avant. Mais toujours, on retombe sur cette musique des limites. Et même hors limite. Sauf qu'elle ne se donne jamais hors jeu. On s'explique.
Delbecq et Dumoulin? Le Ruisseau (becq) et Le Moulin ? Il y avait fort à parier qu’un beau jour ces deux inventeurs allaient conspirer quelque chose ensemble ! Musiciens de jazz contemporain qui parcourent la planète depuis leurs vingtaines respectives en pionniers inspirés, ils s’estiment grandement, et les voilà qui inventent une musique complètement revivifiée, aux beats comme hallucinés, une musique intègre et intense qui n’a pas encore de nom alors qu’elle incarne une liberté toujours renouvelée.
En googloutant, je suis d'abord tombé sur un modèle de poële la marque Aubecq, un acteur incontournable du secteur de la cuisine. Innovatrice, cette marque est à l'origine de la technologie Artech qui est aujourd'hui le meilleur fond diffuseur de chaleur. En perpétuelle évolution, la marque a maintenant une gamme minimisant l'impact sur l'environnement Evergreen avec un modèle Plug & Play… Pour le pas de deux - ça ne le fait pas - le vrai titre , c'est Plug & Pray… On retient la cuisine qui tient compte du lieu où elle se fait… (Cortex Rewired ou bien I Had A Dream About This Place… )
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Plug and Pray ? C'est aussi le titre d'un épisode de Duke Nukem, le célèbre jeu vidéo, ou bien encore un film documentaire allemand réalisé par Jens Schanze,le film présente Joseph Weizenbaum, cofondateur de la science informatique et pionnier de l'intelligence artificielle, qui en appelle au questionnement éthique et rend attentif à la disparition de la religion, de la morale et de l'esprit dans notre société moderne orientée vers la science. Là, du côté cinéma, on se dit que ça sonne bien du côté de titres comme Le Déjà Vu ou Slow Stepper…
Mais d'un autre côté, en 1995, c'était un terme associé à Microsoft pour la sortie de Windows 95 et qui moquait le produit, en disant : tu branches, mais tu n'es jamais sûr que ça va fonctionner. Au vu de l'électronique déployée sur l'album, là ça fait vraiment sens. En dehors du fait que de 1995 à 2017, nos petits amis ont bien bataillé avec l'électronique - et ils l'ont carrément apprivoisée. Alors, on avance masqué du côté de Saint Denis Appetizer ou Singapore Rhapsody?
« Plug » car il y a pas mal d’électricité impliquée (ordinateur, pédales d’effets, amplis…) et il y en a toujours dans l’air avec ces deux-là. « Pray » parce qu’au delà de l’aspect ramifié que présentent leurs installations tout en câblages, ils espèrent inlassablement, dans tout ce qu’ils produisent, poursuivre leur entreprise heureuse de revitalisation de formes, de lignes, de rythmes et de timbres en polyphonies, otutes ne textures mouvantes. Les machines ou les préparations du piano sont abordées tels des objets trouvés, comme s’il fallait toujours tout avoir à réinventer. Et c’est ce qu’ils font : un jazz du futur – mais aujourd’hui.
Quelque part, on s'en fout des références, même si, sur le terrain, Ravel tricote avec Sun Ra, pendant que Muhal Richard Abrahms fait des passes à Chick Corea ou Joe Zawinul au vestiaire. On adore cet album qui tourne pour se découvrir petit à petit, en balançant de drôles de sons qui arrivent d'ailleurs en volutes bizarroïdes; où les claviers, pas seuls, servent à faire rebondir des rythmiques enregistrées et trafiquées sur place, dans l'instant. Après une bonne dizaine d'écoutes, ça joue vraiment à côté du classique, du contemporain, de l'électro, de l'avant garde, mais en prenant à tous ces domaines pour une vraie musique nouvelle qui en live bastonne vraiment. Et file une bonne claque.
Jean-Pierre Simard le 10/05/17
Plug & Pray - Evergreens ( Benoit Delbecq & Josef Dumoulin) - dStream 102/l'Autre Distribution