L'AUTRE QUOTIDIEN

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Hoda Afshar : le voile aux yeux des occidentaux

"Under Western Eyes" est une série de photos digitales manipulées qui entreprend de critiquer la continuelle représentation des femmes musulmanes dans l'art moderne contemporain, comme voilées, soumises et réduites à l'inexistence. Le voile - vu comme une sorte de clôture imposée - est devenu le mode dominant de représentation des femmes musulmanes dans l'occident. Et les femmes voilées sont souvent représentées comme un groupe homogène; des sujets sans capacité d'action dont le voile représente le symbole et l'outil de l'oppression, quand il n'est pas célébré comme une marque d'exotisme.

En conséquence, les images des femmes musulmanes ont été réduites à des stéréotypes aisément décodables, produits en masse et faciles à consommer pour les audiences occidentales. En créant ces images, je souhaite mettre en évidence l'interprétation réductive de l'identité des femmes musulmanes en occident et montrer qu'utiliser une telle imagerie montre une attitude encore empreinte d'exotisme."

Hoda Afshar est née à Téhéran, et vit en Australie, pour être le plus clair possible sur la situation (au moins géographique) des gens dans ce conflit sur le hijab. On aurait tort d'induire de son texte que cette photographe défend le voile. Elle-même ne le porte pas. Loin de là. Ses photos, drôles, pop, ironiques, pourraient tout autant être interprétées de travers par ceux que la vision d'un voile révulse, et seront donc portés à les voir comme une moquerie, ou une condamnation de ces femmes invisibles, jusque dans les gestes de la vie courante, comme celui de repasser le linge. 

Hoda Afshar pose d'autres questions que celle du pour ou contre, et elle le dit très bien, ces questions s'adressent directement aux occidentaux. Son soupçon, celui qui est à la base de son travail, est le suivant : est-ce que cela ne nous arrangerait pas aussi, quelque part, cette vision des femmes musulmanes ? La radicale séparation d'avec elles que nous voyons dans le voile n'est-elle pas au fond l'aveu de ce que nous souhaitons sans oser le dire ouvertement? Leur rejet dans l'exotisme, l'étrangeté, l'altérité irrémédiable ne serait-elle pas, aussi, une excuse bienvenue pour les ignorer en tant qu'individus, en faire une masse indistincte, et par-là, dans tous les sens du terme, intraitable, avec qui on ne peut entrer en relation ?

Cette question à nous adressée, nous vous la laissons. En suspens.

Christian Perrot, le 12 avril 2017

Hoda Afshar