L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Bienvenue au paradis brûlé de Fabienne Gaston-Dreyfus

Comme la peinture de Fabienne Gaston-Dreyfus est une peinture littérale, c’est-à-dire « qu’elle n’émet aucune théorie, n’affirme aucune symbolique, ne dit rien et se place hors du commentaire», on n'est pas rendu pour en parler doctement … Mais sa dernière exposition qui présente des toiles et des gouaches récentes et de moins de dix ans, mérite le détour. Envoi !

Fabienne Gaston Dreyfus, Sans titre, 2016 Gouache sur papier — 100 × 70 cm © Jean-Louis Leibovitch, Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Parallèlement au travail sur toile, l’artiste réalise des gouaches sur papier de formats plus petits. Ces œuvres sur papier interagissent avec les toiles, elles se complètent et se nourrissent. On y retrouve une plus grande variation gestuelle et formelle. A l’inverse des toiles, les compositions sont condensées au centre de la feuille. Par analogie formelle, on peut y déceler parfois un humour et une ironie proches de certaines œuvres de Philip Guston.

Fabienne Gaston Dreyfus, Sans titre, 2016 Gouache sur papier — 70 × 56 cm © Jean-Louis Leibovitch, Courtesy Galerie Jean Fournier, Paris

Son travail, fondé en partie sur la couleur, ses variations et ses interactions, touche aussi à une dimension performative de la peinture. Entre 2004 et 2009, elle réalise de grandes toiles où des éléments, traces, coulures, ou parfois formes traitées en aplats, organisent dans un équilibre incertain un relatif chaos et semblent flotter dans l’espace blanc de la toile. Puis, attentive aux questions relatives au corps et au geste, l’artiste marque un changement dans sa pratique en 2013 lorsqu’elle expérimente la main gauche pour peindre. Cela induit d’autres sensations, d’autres gestes, une autre prise en compte de l’espace. Ainsi, un geste s’affirme qui est répété à la large brosse. Cette succession de gestes, déterminés par l’amplitude du bras, donne naissance à une forme rectangulaire composée de strates de couleurs. L’espace central de la toile est souvent laissé blanc autour duquel les blocs colorés viennent rythmer la composition. Le blanc génère une lumière qui contraste et dialogue avec les plaques de couleurs accolées les unes aux autres.

À l’instar d’une peinture murale, la matière peinte est croisée, les couleurs, couche après couche, s’enchevêtrent et se mélangent en même temps qu’elles sont repoussées sur les bords, dans un double mouvement. Comme un essuie-glace paradoxal qui recouvre autant qu’il découvre.À chaque passage d’une couleur, une attention particulière est également apportée à la respiration. Ces partis-pris sont avant tout intuitifs. Ils sont partie prenante de mon processus de travail et ouvrent à des champs d’exploration guidés essentiellement par la couleur et par la main.

Maxime Duchamps (avec galerie)

Fabienne Gaston-Dreyfus - Le paradis brûle - 9 mars → 22 avril 2017

Galerie Jean Fournier 22, rue du Bac 75007 Paris