L'AUTRE QUOTIDIEN

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Walt Longmire et le Camp des morts, détective western moderne

Craig Johnson a tout pour plaire : un ton qui le rapproche de Crumley et des préoccupations similaires, mis en phase avec les années 2000 - et un art consommé du récit balancé avec humour et affection. Du polar qui cingle, mais qui éveille; des histoires bien compliquées mais qui dévident les maux des puissants aux pays des mal nantis. Et tiens, le shériff est de leur côté.

Lander, Wyoming

La série TV a connu son bon succès partout dans le monde, pour cause de personnages bien campés et d'histoires à ressorts multiples, avec bien sûr des thématiques américaines, des paysages et des héros de toutes sortes enracinés dans le terroir, comme pas deux. Et il y a aussi la petite musique qui ne ment pas, celle qui fait que, dès qu'on l'a reconnue, on ne lâche plus. On court vers la fin pour savoir, pour comprendre et admirer le tout de passe-passe qui ne manque pas à la résolution finale. Du grand art. Tout simplement … 

Les héros de la série: Robert Taylor et Lou Diamond Phillips

Résumé : lorsque Mari Baroja est empoisonnée à la maison de retraite de Durant, Wyoming, le shérif Walt Longmire se trouve embarqué dans une enquête qui le ramène cinquante ans en arrière. Il se plonge alors dans le passé mystérieux de cette femme et dans celui de son mentor, le shérif Lucian Connally à la poigne légendaire. Tandis que l'histoire douloureuse de la victime trouve peu à peu une résonance dans le présent, d'autres meurtres se mettent sur le chemin des deux shérifs. Aidé par son ami de toujours, l'Indien Henri Standing Bear, son adjointe au langage fleuri et un nouveau venu séduisant, le shérif mélancolique et désabusé se lance à la poursuite de l'assassin à travers les Hautes Plaines enneigées. Le Camp des morts, le deuxième volet des aventures de Walt Longmire, nous emmène au cœur d'une violence qui se terre dans les paysages magnifiques du Wyoming. Et hisse Craig Johnson au niveau des plus grands.

Extrait du premier chapitre :

— Ils utilisaient le feu dans le temps
Le vieux cow-boy voulait dire que les gars qui avaient la fantaisie de mourir pendant l’hiver au Wyoming trouvaient le repos éternel sous un mère cinquante de terre gelée.
— Ils construisaient un feu de joie et le laissaient brûler quelques heures pour que ça dégèle, et ensuite ils creusaient la tombe.

Jules enleva le bouchon d’une flasque qu’il avait tirée de la poche poitrine de sa veste en jean, une véritable loque, et s’appuya sur sa pelle complètement pourrie. Il faisait - 2 °C, il ne portait rien d’autre que cette veste en jean et il ne frissonnait même pas ; la flasque y était probablement pour quelque chose.

— Maintenant, on sort les pelles seulement si la pelleteuse a fait tomber des mottes de terre dans le trou.
Le tout petit homme avala une lampée et se replongea dans les complexités de sa réflexion philosophique.

— Le cercueil chinois traditionnel, il est rectangulaire avec trois bosses, et on ne peut pas se faire enterrer habillé en rouge parce que, autrement, on se transforme en fantôme.
Je hochai la tête et fis de mon mieux pour résister au vent. Il but une autre gorgée sans rien m’offrir.

— Les anciens Egyptiens se faisaient retirer leurs organes, et on les mettait dans des vases.Je hochai la tête de plus belle.
— Les Hindous brûlent le corps, j’admire, mais nous, on a incinéré mon oncle Milo et pour finir, on l’a perdu : le couvercle s’est défait et il est passé par les trous du plancher rouillé d’un Jeepster, sur Upper Powder River Road. (Il resta pensif, secouant la tête au souvenir de cette fin indigne.) C’est pas là que j’voudrais passer l’éternité.

Je hochai la tête à nouveau et laissai mon regard se perdre vers les Big Horn Mountains, où il neigeait encore. Je trouvais les feux de joie plus romantiques que les engins de terrassement, ou les Jeepsters, d’ailleurs.

Si vous êtes en manque de bon polars, la série est un must. Déjà publiée chez Gallmeister, elle reparaît chez Points Seuil, ne manquez pas l'occase. La poésie est au rendez-vous, l'intelligence aussi. Mais normalement, l'une ne va pas sans l'autre.

Jean-Pierre Simard, publié le 24 février 2017

Craig Johnson - Le Camps des morts - Points Seuils

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