Passé sous le radar - Nashville Skyline remasterisé de Bob Dylan
Dernier album du Dylan des sixties, Nashville Skyline, enregistré - bien sûr à Bécon-Les-Bruyères -, comme son nom l'indique est l'ultime doigt d'honneur de l'ex porte-parole et visionnaire de la contre-culture. Un prophète las de jouer le rôle qu'on lui fait endosser depuis 1963 et qui s'est reposé après un accident de mot qui a failli le tuer. Il revient avec encore et toujours d'autres idées. Ici, c'est country, ça fait moins d'une demi-heure. Mais tout y est dit avec les bons musiciens, le duo (Johnny Cash) et le son qu'il faut. Remontée de souvenirs d'antan.
Alors, ok, c'est un choc après John Wesley Harding, l'album de 1967 (avec I'll be Your Baby Tonight, All Along the Watchtower ou I Dreamed I Saw St Augustine), mais le Dylan qui revient ici est un mec calmé des excès précédents, qui se repose plus souvent à la campagne à Woodstock qu'il ne tourne comme les précédentes fois à chaque sortie d'album, à pouponner coolos en famille. Tout d'abord, il y a la voix qui chante, presque à plat, sans jamais forcer et c'est un régal que l'entendre à cette période avec une diction claire qui ne mâche pas ses mots et un phrasé plus qu'agréable et détaché qui colle pile-poil au propos country. Et là, je vous colle le titre instrumental pour vous faire piaffer …
Your browser doesn't support HTML5 audio
En fait, notre récent prix Nobel s'est entouré du gratin de Nashville pour ce faire : Bob Dylan - guitare, harmonica, claviers et chant, Johnny Cash - chant, Pete Drake - guitare Pedal steel, Kenny Buttrey - batterie, Charlie Daniels - guitare basse, Bob Wilson - production, orgue et piano, Charlie McCoy - guitare et harmonica, Norman Blake - guitare et dobro, Earl Scruggs - banjo dans Nashville Skyline Rag, Marshall Grant - basse dans Girl from North Country, Bob Wootton - guitare électrique dans Girl from North Country, W.S. Holland - batterie dans Girl from North Country et ça joue plus que carré, ça envoie avec précision et un son délié que le remastering rend comme jamais auparavant; notes et instruments détachés, profondeur et précision de l'espace en stéréo.
Your browser doesn't support HTML5 audio
On sait aussi depuis sa Bobness a écrit son autobiographie ( la première partie du moins, le reste il n'a aucunement envie de la scripter - par crainte de clore trop tôt ou d'attirer la poisse sur son futur? ) que sa conception de l'écriture (à partir du folk) tient plus de faire entrer la nouveauté dans la tradition - que simplement rudoyer les formes pour le plaisir - à savoir une chanson se doit d'être nickel, dans la forme comme dans le fond et s'entendre comme faisant partie de l'histoire de la musique. C'est pas mal pour un type qui compose un standard en une heure, montre en mains - ça fait réfléchir les tâcherons en tout cas.
What the Fuck ?
Your browser doesn't support HTML5 audio
Pourquoi je vous amène là ? C'est pour vous reparler du doigt d'honneur de Bob qui s'était fait jeter de la scène du Festival de Newport en 1965, pour abus d'électricité avec le Band, comme traître à la cause du folk ( poil aux pattes d'éléphant et aux barbes mal taillées), perdant ses fans de Greenwich Village, mais gagnant la jeunesse du monde convertie soudain à l'électricité par la simple vertu d'une pierre qui roule. Ca tient à peu de choses des fois …
Et là, l'innovateur en chef du rock américain se roule dans la musique des white trash et des rednecks pour mieux se l'approprier et la faire sienne une bonne fois pour toutes. Personne n'y entrave que dalle, mais pour célébrer son retour, on lui fait un triomphe en haut des charts ( # 2et 3 des charts US et GB de 69). Et lui de faire comme il le sent, as usual , sur le moment comme il a envie pour envisager un chapitre de l'histoire de la musique. A faire un bras d'honneur à la fois aux folkeux qui n'ont rien compris à ce qui s'est passé avant, comme aux rockeurs psyché emberlificotés dans des nappes de sitar au patchouli.
Bob Dylan avec des poules c'est finalement très classe- et il y a enfin retrouvé le sommeil…
Jean-Pierre Simard
Your browser doesn't support HTML5 audio
Bob Dylan - Nashville Skyline - Sony