L'AUTRE QUOTIDIEN

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Rewind - Laura Nyro, femme d'influence

Qui se souvient de la chanteuse qui a failli remplacer Al Kooper dans Blood, Sweat & Tears, celle qui a disparu des rushes du Festival de Monterey, a fortiori, de la compositrice qui, de 1968 à 1971 a régné sur les charts américains ? Telle aura été Laura Nyro qui mérite mieux que cela. Réparation. 

Laura Nyro est une aberration de la scène californienne, où elle s’est faite connaître au Troubadour. De 67 à 71, elle est la compositrice à succès de la scène US et depuis, de nombreux musiciens se réclament d’elle : son ami Jackson Browne, Bob Dylan, Elton John ou Steely Dan, en passant par Todd Rundgren qui a arrêté de composer comme Townshend, après l’avoir entendu … Tous redevables de cette féministe, bisexuelle engagée, écologiste défendant les droits des indiens-américains qui torchait des chansons comme d’autres s’enfilaient des pyramides à l’époque. Bien mieux qu’une découverte ! 

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Pour la surdouée, rien ne se passe vraiment selon ses envies : d’où les retraits et retours à succès successifs. Laura Nigro, fille d’une libraire et d’un trompettiste de jazz est née en 47 à New-York, apprend le piano seule, adorant Debussy et Ravel, Billie Holiday, Nina Simone, Coltrane et Pete Seeger. Elle écrit de la poésie dès l’adolescence et chante. En 1966, elle vend 5000 $ sa première chanson à Peter, Paul & Mary « And When I Die » qui sera reprise par Blood, Sweat & Tears. En 1967 l’album More Than a New Discovery, repris par les Fifth Dimension fera des tubes (« Blowing Away », « Wedding Bell Blues »). Mais sa seconde apparition publique à Monterey sera virée du montage par Pennebaker. Pourtant les succès s‘enchaînent, et celle que les hippies prennent pour une pianiste de bar, ouvre la voie à la Carole King de Tapestry et la Joni Mitchell de Blue. La première, déclamant sa féminité dans le registre hippie, la seconde tourmentée, poétique et solitaire. Laura est la première à utiliser sa voix comme un instrument de jazz, avec abrupts changements de tempo et en chantant à l’octave. En gros, ça dépote, loin de Joan Baez ou Judy Collins. En 1968, elle publie, seule aux commandes, Elli and the Thirteenth Confession: rare pour une femme à l’époque. Seconde fournée de tubes pour Barbara Streisand, Three Dog Night, les Fifth Dimension et Blood, Sweat & Tears, qu’elle pense rejoindre un moment ; ce que lui déconseille David Geffen, pour sa carrière. 

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Too much too soon ? L’album suivant est enregistré à Muscle Shoals avec Duane Allman Christmas and the Beads of Sweat. Et, en 1971, premier break, après un album de reprises Gonna Take a Miracle avec Nona Hendryx et Patti Labelle dont le tube Desiree sera un moment fort, de sa main. Du flair, puisque ce disque est produit par Gamble & Huff qui sont en train de mettre la disco au point … Mariée, elle décide, à 24 ans, de se retirer du showbiz, la célébrité n’étant pas sa tasse de thé… Mettre ses tripes sur la table et sur scène commence à la gaver. 

Un picnic à l’esprit très déjanté. Son mariage coulé, 1977 voit arriver Season Of Light et elle retombe dans les bras de son amour d’adolescence, la peintre Maria Desiderio. Nested l’année suivante, la voit enceinte et décidée à se retirer une  fois encore de la scène jusqu’en 1984. Une tournée dédiée à la défense des droits des animaux accouchera de Laura : Live at the Bottom Line en 1989. Objet d’attentions particulières (harcèlement ?) de la part de la télévision, elle ne se résout jamais à passer chez Letterman ni au Tonight Show (les Ardisson ou Denisot US) et on ne dispose d’aucune vidéo (potable) d’elle. Son dernier envoi en 1993, co-produit par Gary Katz (Steely Dan), Walk the Dog and Light the Light la remet sous le feu des projecteurs avec des offres de lucratives B.O, toutes décilnées ; tout en participant à Broken Rainbow, documentaire sur la relocalisation (en français : la spoliation et l’exil) des Navajos.

And when I die… 

En 1997, elle meurt d’un cancer des ovaires, à 49 ans, après avoir supervisé la double compilation Stoned Soul Picnic, the best of Laura Nyro. Compositrice préférée d’Alice Cooper, Kanye West à largement samplé Save the Country pour The Glory en 2007. Chantée par Frank Sinatra et adulé par Elvis Costello, c’est pas un peu rock tout ça ? 

«  Give me my freedom for as long as I be.
All I ask of living is to have no chains on me.
All I ask of living is to have no chains on me,
and all I ask of dying is to go naturally, only want to go naturall
y. »  And when I Die (1966)

Jean-Pierre Simard le 5/12/17 

Sélection discographique : 

Elli & the 13th Confession (Sony): Tout feu tout flamme, l’album de la révélation d’une chanteuse juive new-yorkaise qui chante comme si sa vie en dépendait, en ayant assimilé les bases du rock, et en repoussant les limites. Parfait !

Spread Your Wings and Fly: Live at the Fillmore East May 30, 1971 (Sbme Special MKTS/Sony BMG): De la même période glorieuse, la mise en son chez Bill Graham à New-York. 

Compilation hommage Time and Love: The Music of Laura Nyro (Astor Place)  avec Phoebe Snow, Suzanne Vega, Roseanne Cash, Sweet Honey in the Rock, Lisa Germano et Jane Siberry, …

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