L'AUTRE QUOTIDIEN

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Rapport annuel chez Pernod-Ricard avec un Martin Schoeller impérial

Commande de Pernod-Ricard pour son rapport de fin d'année, Martin Schoeller a réalisé 18 portraits grand format de 18 personnes du groupe, hors hiérarchie, ayant été sélectionnées sur les 18 000 employés France et monde, avant d'être envoyées à New York pour se faire tirer le portrait…. Portraits exposés à Paris Photo. Aventure personnelle marquante, pour deux de ces femmes ayant relaté la séance comme un moment intense et juste, une sorte d’accouchement de soi en ayant résulté. Une aventure singulière et profonde qui a marqué les esprits.

Ces visages, masculins et féminins, tous différents au-delà de leur nationalité, sont photographiés simplement, sans artifice, ni maquillage. Sans effet, à fleur de peau, dans un cadrage identique et une lumière studio « propre » si bien que, définition aidant, les lèvres et les yeux retiennent l attention… L’impression de naturalité est la direction artistique à atteindre. Bien au-delà d'une photographie de commande marquée corporate, où l’enjeu est de photographier l’homme dans sa fonction. Soit, en principe, plutôt la fonction où comment celle-ci habite celle-là, voir cohabite avec celle-là… 

Ici un visage quasi brut, sans retouche, grain de peau, rides, cheveux et expressions telles quelles, sont la base de l'opération photographique, Martin cherche le vrai visage sous le visage de circonstance, opération vérité en quelque sorte; et sans complaisance, Martin enregistre présences et fixité du regard, bouches muettes, parfois interdites, yeux bien au centre du portrait. Aucune fuite du visage n’est permise, c’est un face à face, on peut comprendre que, se retrouvant dans ces positions d’être soi-même, sans plus de make-up, pour les femmes en particulier, sans embellissements programmés, au bord d’une forme de cohabitation, de confrontation à sa propre image brute, un conflit psychologique ait pu apparaître et que l’habilité de Martin Schoeller à déjouer ce conflit, lui ait permis, finalement d’accoucher ces visages d’eux-mêmes, hors du regard social.
Entreprise très salutaire à l'heure où toute une photographie cherche à masquer plutôt qu'à montrer, d'où également une forme d'émotion contenue dans l'objectivation de ces visages, devenants aussi un peu plus étranges à eux-mêmes, un peu plus extérieurs, pourrait-on écrire.

Et c’est beau, touchant en tous points. De plus, une tentation anthropologique habite ces portraits qui se raccordent volontiers à toute une tradition ethnologique. Il se dégage de chaque image un hommage discret à l'humanité, à la communauté des hommes, de toutes races, de toutes couleurs, de toutes conditions.
Les traits du sang ne mentent pas, et c’est selon, soit une force, soit une faiblesse.
Travail d’une grande pureté….peut-être le sentiment du centrage systématique de la lumière reflétée au centre de chaque pupille, masque-t-il une lecture identique et identitaire top récurrente, le centre de l'œil et de l'iris ont disparu des yeux, ce qui est bien dommage, à moins qu’on ne l’interprète comme une signature cachée ou un marquage stylistique.
 

Ces portraits, tous marqués par une similarité de chromie neutre, de teintes et couleurs de peaux, de couleurs des yeux, de dessins des lèvres, tout signe marquant l’appartenance à une famille, un groupe ethnique, une nation, - au-delà des nombreuses antécédences et mariages, qui, au fil des siècles et de l’histoire ont marqué les générations et façonnés nos corps actuels -, tous confirment le parti-pris du tout naturel. Martin Shoeller avance vainqueur en ces terres déjà conquises… de quoi rehausser une flatteuse réputation largement méritée…. Un des très grands portraitiste actuels. 

Pascal Therme le 10/11/17  

Martin Schoeller - Paris Photo Festival - Galerie Camera Works -> 12/11/17