Dream Theory in Malaya : Hassell débordé par Eno et Byrne
"Fourth World/ Le Quatrième Monde est un point de vue à partir duquel on peut faire évoluer les choses qui s'expriment quand on met en rapport le savoir (musical) accumulé et les nouvelles conditions offertes par les technologies de pointe.
Jon Hassell
Ceci est la première réédition depuis 1981 du chef d'œuvre visionnaire de Jon Hassell dans son acception "Fourth World". On y trouve aussi bien des contributions d''Eno, de Lanois que de Michael Brook (Nusrat Fateh Ali Khan). Remastérisé de frais, il offre autant des notes de pochette fouillées de son compositeur qu'une piste supplémentaire : "Ordinary Mind".
Your browser doesn't support HTML5 audio
De ses études avec Stockhausen à Cologne à ses participations à la scène new-yorkaise minimaliste aux côtés de Terry Riley, La Monte Young, ou Philip Glassjusqu'à sa rencontre décisive avec le maître vocal Pandit Pran Nath, comme avec ses collaborations avec Eno, les Talking Heads, Peter Gabriel, David Sylvian, Björk, et Ry Cooder, Jon Hassell s'est toujours interrogé sur les dichotomies Nord/Sud, sacré sensuel et primitif versus futuriste.
Your browser doesn't support HTML5 audio
De ces influences croisées et de cette éducation musicale pan-culturelle, Hassel a fini par développer le concept de Quatrième Monde qu'il définit ainsi : " J'ai voulu flouter les différences mentales et géographiques pour qu'on ne sache plus si la musique jouée arrivait d'Afrique, d'Indonésie ou d'ailleurs . . . que serait devenue la musique classique si on ne l'avait pas totalement codifiée deux siècles plus tôt ? Que se passerait-il si le monde reconnaissait soudain aussi bien le gamelan balinais que les chants pygmées et la musique aborigène ? Et comment sonnerait-elle alors ? "
A la fin des 70's à New York, Hassell a ainsi commencé à produire des albums totalement ahurissants sur lesquels sa trompette filtrée à l'AMS Harmonizer et autres effets digitaux nouvellement découverts explorait des modalités non-européennes.
Brian Eno, à l'époque new-yorkais, a été secoué par son Vernal Equinox de 1978, premier album et l'a approché pour produire en 1980, Fourth World Vol. 1: Possible Musics. Mais c'était avant qu'il ne se tourne vers un nouveau partenaire, le David Byrne des Talking Heads, et que tous deux l'évincent de leurs projets mimétiques Remain in Light (1980) et My Life in The Bush of Ghosts (1981). Hassell se sentant floué et dépossédé pour le coup, fit appel aux services d'Eno pour travailler sur la suite de son projet ; précisément cet album, pour jouer et mixer dessus. Mais cette fois, il fut rétrogradé et sur les notes de pochettes on put lire "All compositions by Jon Hassell. Produced by Jon Hassell."
Your browser doesn't support HTML5 audio
Maintenant, que se serait-il passé si cet album-ci avait connu les faveurs du public plutôt que la version rock + samples d'Eno et Byrne ? Nul ne sait, mais ça reste un cas éhonté de pillage qu'il faut souligner… Et un album qui reste aussi décalé qu'à l'époque de sa parution et aussi intransigeant dans son propos. Un classique du beau bizarre, un vrai !
Jean-Pierre Simard
Jon Hassell Fourth World Vol.2: Dream Theory in Malaya; Tak Til/ Glitterbeat