L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

A Mérignac, la photo s'offre un remède de Cheval 1/2, par Pascal Therme

La volonté politique de faire se rencontrer la vie locale et l’expérience du monde était une des préoccupations de François Cheval, dont la thématique a valeur de Manifeste : relier les communautés, les expériences dans ce qu’elles ont de plus fondamental, humainement parlant, dans la plus large acceptation et de promouvoir une réflexion politique, humaine, psychologique, propre à défaire toute idée de communautarisme et à forger des liens ouverts, de partage et de compréhension. Bienvenue au M.P.F ! 

Jake Verzosa, Les dernières femmes tatouées du Kalinga

La seconde édition du Mérignac Photo Festival a ouvert le 5 Octobre dernier et dure jusqu'au 17 Décembre 2017 à Mérignac, ville de 70 000 habitants, aux portes de Bordeaux. D’un budget, hors personnel, d’environ 300 000 €, sous le commissariat de François Cheval, selon les mots même d’Alain Anziani, Maire de Merignac, le Mérignac.Photo.Festival (MPF) s’inscrit dans une action culturelle d’ampleur afin de créer, à travers la photographie, un lien pérenne avec « chaque Mérignacais(e), dans ce qu’il a de plus intime: « son coeur, ses émotions, son jugement. »

Poilley, un village de Bretagne Madeleine de Sinéty

Singularité des programmations, le BAL, lui, parle de communauté impossible, à travers l’exposition de Clément Cogitore « Braguino, ou la communauté impossible », en ce moment jusqu’à fin Décembre. Faut il considérer ce festival comme une réponse heureuse aux questions assez idéologiques – une dystopie amorale cachée sous des motifs créatifs incertains: voyez la violence est consubstantielle à l homme, la communauté même réduite à deux familles, est impossible, sans plus d’analyses – qui court sous l’oeuvre exposée au Bal?  Moralement déprimant, aux antipodes de tous les photographes du Mérignac Photo Festival.

Motorcycle Clubs Karlheinz Weinberger

Ou, n’est-ce là, après tout qu’un heureux hasard, tant la puissance positive et extrêmement interpellantes des propositions développées par François Cheval, à travers sa programmation donne une réponse claire et large sur la nécessité fondamentale des échanges et des partages, afin de refonder une société juste et ouverte, en proie à ses vieux démons. Il y a urgence.

Isabel Munoz - Album de famille

La marraine du festival, Isabel Munoz expose « Album de Famille » la communauté des grands singes du Congo , Andrea Santolaya, « Waniku ou l’eau gronde, une tribu indienne sur les berges de l’Orénoque, reliée par un mythe cosmogonique fondateur, Jake Verzosa, « les dernières femmes tatouées du Kalinga », Anna Malagrida, « Cristal House », Eric Pickersgill, « No Show », Meyer, « Nuit debout », Joshua Benoliel « Revoluçao », Mark Nevil, « Port Glasgow », Karlheinz Weinberger, »Hells Angels », Quian Haifeng, « The Green Train », Madeleine de Sinety « Poilley, un village en Bretagne », Pierre Wetzel « La vérité, fille du temps »… soit une quinzaine d’expositions. Tous sujets qu'on va développer en deux parties: la première aujourd'hui et la seconde demain. 

Qian Haifeng The GreenTrain

Tous dévoilent un panorama où, ethnies, groupes, classes sociales, communautés, existent sur la base d’expériences topiques, liées aux lieux et à l’espace politique, témoignent. Combat moral. Les photographes dévoilent à travers leur sujet, une face cachée du réel, soit que celui-ci induise une révolte, un propos politique (sens étymologique, ce qui intéresse la cité) un retour de sens du refoulé, l’homosexualité de Weinberger, la restitution d’un combat, Nuit debout, la découverte, même fascinante, d’une réalité tenue en dehors des espaces médiatiques, je pense à Green Train et le petit peuple de Chine… un retour au mythe fondateur, Andrea Santolata, une lecture des liens anthropomorphiques qui nous relie aux grands singes, Isabel Munoz….

Motorcycle Clubs Karlheinz Weinberger

Ce qui se joue derrière les apparences, que ce soit le ballet chorégraphie des mains noires des joueurs au PMU de Beaubourg, Cristal House, les tatouages des femmes du Kalinga et ce qu’elles lancent comme alertes à autrui, l’histoire du livre de Marc Nevil, sur Glasgow, en pleine dépression économique – le photographe fait corps avec la communauté, documente la situation pour produire un livre tiré à 8000 ex, offert à chaque foyer, l’invisible message d’une Amérique aux prises avec le faux, les manipulations de l’opinion (No Show) ou l’aveu du sacré et le retour au mythe fondateur comme identité profonde, dans un poème visuel, lactescent d’Andrea Santolaya, est déjà un regard éclairant, que les photographes animent derrière leur caméra pour rendre le monde plus lisible, moins abrasif et plus clair. Percevoir plus que voir. Il ne s’agit pas d’un simple constat, mais d’une lecture nourrie d’articulations et de présence. Une fonction d’ordre shamanique traverse leurs problématiques.

Green House Anna Malagrida

La fonction poétique établit la perception, du côté de l’énonciation, porteuse de lumière, pacificatrice, re-fondatrice. Il est question de s’ériger en sujet libre, face aux violences inscrites par la marchandisation omniprésente du monde et ses travers de tous ordres, dont la raison semble bien être de masquer le réel, de le recouvrir de fausses significations, de le détourner et d’empêcher les libertés de s’en approcher. Anti-idéologiques, ces photographies sont l’expression d’un travail de ré-appropriation par les communautés, les groupes et les personnes d’une histoire trahie dans l’espace social. Ces oeuvres sont données en partage pour que s’éclaire le présent, afin de rester libre devant les choix possibles, pour qu’un certain type de conscience puisse émerger.

La suite demain

Andrea Santolaya Waniku. Où l'eau gronde

Texte et photos - Pascal Therme le 11/10/17
Mérignac Photographic Festival (12 lieux dans la ville) ->17/12/17
Point Infos Festival - Place Charles de Gaulle 33700 Mérignac

Poilley, un village de Bretagne Madeleine de Sinéty

Pascal Therme vit et travaille à Paris. Il y conçoit ses reportages sur les expositions, la mode et les fashion shows.