Bobo-Dioulasso a profité dans les années 60 et 70 d'un arrêt momentané des combats intérieurs et frontaliers avec le Niger, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin pour décoller culturellement, avant l'arrivée de Thomas Sankara en 1983 qui a posé les bases du Burkina Faso pour le désenclaver définitivement. Durant cette période, la Haute-Volta a construit une vie culturelle documentée par un coffret (livre-disque) qui fait le tour de la question en 176 pages et 3 cd's : Bobo Yéyé: Belle Époque in Upper Volta.

Construit comme une ode à la pop culture du lieu qui a permis à la scène musicale de Bobo d'ouvrir la voie à l'arrivée au pouvoir de Thomas Sankara en 83, lui-même musicien de jazz. Si l'on considère la révolution comme un processus et pas comme un simple événement, ce document en montre les étapes successives, parlant autant dans son introduction de l'évolution de la situation là-bas avec ses étapes coloniales, post-coloniales et pré-révolutionnaires que plus tard, avec l'histoire de Sory Sanle, photographe local qui a flashé la vie et les nuits d'une période de fête ou chaque samedi en était une ; documentée par une série éblouissante de noirs et blancs pris à tous les moments de cette période. On y trouve aussi des photos des stars de l'époque et leurs biographies assorties d'interviews. Ainsi du Volta Jazz, du Dafra Star (monté et dirigé par le chanteur Coulibaly Tidiani), Echo del Africa, comme Les Imbattables Léopards. Et puis, il y a la musique… 

Le Volta Jazz et Dafra Star se voient offrir chacun un album de raretés où l'on sent les influences croisées des mélodies maliennes et ghanéennes mixées aux rythmes du Ghana du Niger. En chemin, on croise des compositions aux parfums cubains, puis rock, puis soul et R'n'B : l'Amérique ( …l'Amérique, je veux l'avoir et je l'aurais… ) A découvrir, par exemple, avec le “Mousso Koroba Tike” de Volta Jazz, un truc à fuzz et wah-wah psyché qui tourne à la fois en rock - mais en mode high life avec un chanteur soul. Ou bien, côté funk latino mâtiné folk malien en question-réponse le “Sie Koumgolo” de Dafra Star. Plus loin l'afrobeat est à l'honneur sur le “Gentlemen Doromina” d'Echo del Africa qui poursuit avec un exercice juju sur “Yiri Wah.” Les Imbattables Léopards naviguent de l'afro-soul de “Milaoba” à la salsa de “Nene.” Quelques hymnes pour pistes à boule flashy avec le “He Ya Wanna” de Ouedraogo Youssef , décoré total soul avec les cuivres et tout et tout. Et, last but not least, un super “Arindo” par Idy-O-Idrissa, qui emprunte autant à la valse qu'aux traditions folk du Sahel.

Au final, un chouette cadeau pour vos potes et/ou votre discothèque. C'est pas du brutal, c'est juste du sérieux- comme souvent avec les prods de ce label. Chaudement recommandé en cet hiver rigoureux…

Jean-Pierre Simard

VA – Bobo Yéyé: Belle Époque in Upper Volta (2016) Numero Group