L'AUTRE QUOTIDIEN

View Original

Le rasta qui a sauvé Johnny Rotten

"Je peux dire qu'une chanson comme "Born For A Purpose" de Dr Alimantado, a carrément changé ma vie. Je trouvais les paroles géniales, particulièrement ce vers : "If you feel like you have no reason for living, don't determine my life !"* Fantastique ! Il y a des Jamaïcains, qui ont vraiment quelque chose dans le ciboulot ! Pour moi, ce genre de chanson délivrait un message hyper important. Je me sentais tout à fait sur la même longueur d'onde que ces mecs qui prenaient vraiment au sérieux ce qu'ils faisaient et savaient qu'ils étaient sur cette planète pour faire quelque chose de positif." 

La Rage est mon énergie, Mémoires de John Lydon alias Johnny Rotten, au Seuil.

* "Si vous trouvez que vous n'avez pas de raison de vivre, ne déterminez pas ma vie".

See this content in the original post

PS : Feuilletant ces "Mémoires" du chanteur des Sex Pistols, j'ai bondi en tombant sur ce passage. J'avais vécu, même âge, même situation que John Lydon, bien Punk, même passion, même angoisse, mêmes excès, exactement la même relation avec ce disque-là, qui nous aura donc sauvés tous les deux, et probablement bien d'autres comme nous. Nous étions pourtant a priori peu faits, lui et moi, pour boire les paroles bibliques d'un rasta convaincu comme Doctor Alimantado (notez quand même le style ébouriffant du personnage sur la pochette - ghetto, mais sans le trip gangster, plutôt le style pauvre comme Job). Quelqu'un nous parlait de la valeur de notre vie ! Et sans la moindre hypocrisie. Nous pouvions écouter les rastas. C'était ainsi. Nous n'écoutions d'ailleurs pas grand chose d'autre que du reggae. Pendant une tournée en Angleterre avec The Clash, je me souviens que nous n'écoutions dans le bus que du dub à fond les basses. La véritable musique de l'époque Punk, celle que nous écoutions entre nous, à la maison, dans les squatts, c'était ça. Pratiquement jamais les disques Punk. Ce qui pose le problème de la conversion. Elle n'est jamais si loin qu'on pense. La marge a peut-être besoin du livre. Et c'est ce que ne comprennent pas ceux que les revirements qui leur semblent si soudain et si peu fondés sur la raison de "petits délinquants" qui découvrent la religion laissent complètement sceptiques et pantois. C'est possible ? Oui, très possible quand on cherche une raison de vivre en se sentant sans futur. La différence, malheureusement, c'est que la religion des rebelles rastafariens nous enseignait à trouver la paix dans une vie qui n'en connaissait pas, ni à l'intérieur ni à l'extérieur de nous, tandis que la religion des rebelles intégristes musulmans (c'est ce qu'ils sont, ces jeunes, ces convertis, car ils le sont tous, quelle que soit leur origine, l'Islam qu'on leur avait enseigné, ce n'est pas ça, ils se sont convertis à cette vision-là, au côté noir de la Force, ce sont des Punks, tous tant qu'ils sont, bien plus qu'ils ne l'imaginent, qu'ils n'accepteraient de l'entendre, il suffit de voir leur délice à choquer le bourgeois et le populo avec leurs tenues qui les font haïr directement) enseigne à aimer la mort, la sienne et celle des autres. 

Mieux valait, et de loin, Doctor Alimantado et Jah.

Christian Perrot