Marconi Union trace avec bonheur sur les brisées ambient de Jon Hassell
Si c'est à la densité du monde évoqué et mis en place musicalement qu'on reconnait un bon groupe ambient, alors Marconi Union avec ses gares fantômes fait bien partie des grands. Leur univers néo classique, jazzy et électronique laisse la part belle aux songes, aux réminiscences et aux envolées de cuivres boisés qui vous introduisent à un automne certain, mais qui fleure encore bon l'été.
Si le trio mancunien Marconi Union a sorti son premier album en 2003, Under Wires and Searchlights, Ghost Stations s'avère leur neuvième envoi sans oublier, celui commis avec Jah Wobble en 2013, Anomic. On les a souvent classé à tort dans le registre strictement chill out pour avoir commis en 2011 Weightless, vendu alors comme le morceau le plus relax jamais paru, mais le responsable de cette assertion devait bosser chez Le Petit Marseillais.
Quoiqu'il en soit, Marconi Union a toujours excellé à construire des univers de replis qui, justement ici, varient et se montrent plus évolutifs et dynamiques. Ghost Stations représente une nouvelle approche qui ne va pas ravir les fans d'ambient bloqués sur le néo-classique car elle s'avère en grande partie électronique et d'une implacable construction même dans ses moments les plus vaporeux. Alors, bien sûr , on pourra faire appel à ses souvenirs flottants de Boards of Canada ou même aux premiers albums de Blue Nile, mais cela cache encore quelque chose de plus nébuleux.
Partant d'une vision post-moderne des lieux qui ont vécu et ne demandent qu'à revivre, quitte à changer d'attribution, l'album joue beaucoup des espaces vides, abandonnées à la déréliction comme point de départ de sa vision, mais c'est pour mieux leur offrir des charges énergétiques qui les revivifient et leur donnent d'autres buts, par un nouvel éclairage qui rend les lieux dont on parle d'un coup, plus rassurants.
Ainsi, Sleeper qui s'ouvre sur des climats façon Mezzanine de Massive se transforme à l'arrivée de la trompette bouchée de l'Italien Girogio Li Calzi. Plus loin, Abandoned voit le trio planer tranquille pour un instant de calme à coups de nappes de claviers qui se fondent dans le jeu de clarinette d'Andy Dobson. Tout cela n'étant pas sans rappeler les œuvres instrumentales du David Sylvian des 80's, comme sur Gone To Earth. Et puisqu'on évoquait plus haut Jon Hassell, papa de l'ambient des 70's du côté Fourth World ( le traitement de musiques anciennes jouées avec de tous nouveaux traitements électroniques), c'est son travail avec Ry Cooder sur Hollow Bamboo ( sublime disque ignoré de la critique à sa sortie ) qui semble le plus proche du son joué ici sans le côté indien du projet.
Ghost Stations n'est pas la panacée pour résoudre ses problèmes face au monde contemporain ( à moins de passer son temps à sucer des cinq feuilles, sans sortir de chez soi), mais en variant ses modes de composition et son approche, Marconi Union y montre qu'on peut envisager le monde sans s'y sentir uniquement et constamment en cage, à condition de s'élever. Serait-ce là une invitation à la méditation ? A vous de voir, mais c'est un grand disque. Et pour cela, on est prêt à envisager les choses d'un autre œil, voire d'une oreille neuve.
Jean-Pierre Simard
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Marconi Union – Ghost Stations (Proper)